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Critique de Rodin_Marcel


Philippon Benoît (1976-) – "Mamie Luger" – Les arènes / Livre de poche, 2018 (ISBN 978-2-253-24148-5)

Après une première lecture déjà, je notais "impression mitigée, si ce n'est glauque – à relire", et cette re-lecture n'a fait que confirmer cette première impression.

L'auteur dispose d'un style, d'une technique d'écriture, bref, d'un indéniable métier. Est-il pour autant conscient de commettre avec ce roman un véritable compendium des standards du racisme social et des clichés les plus éculés caractérisant la mentalité des bobos germanopratins, tels qu'ils s'étalent par exemple dans les colonnes du quotidien "Le Monde", véritable Pravda de ce milieu ?
Rien n'est moins sûr, tant ces gens respirent l'autosatisfaction et la certitude de détenir la vérité absolue.

La première forme de racisme qui s'étale ici avec complaisance s'inscrit dans une longue tradition franchouillarde, celle du mépris de la vie en milieu rural. C'est ici l'Auvergne, aux environs de Saint-Flour (p. 20) qui se voit décrite avec tous les sarcasmes habituels : depuis "la terre" de Zola, ce filon est inépuisable. L'auteur s'inscrit dans la veine actuelle cultivée par exemple par le récent roman de Frank Bouysse "Né d'aucune femme" (cf recension) ou encore "L'archipel du chien" de Philippe Claudel (cf recension).
L'héroïne, cette "mamie Luger" et sa grand-mère "Nana" sont donc des sauvageonnes à peu près illettrées, mais évidemment remplies d'un robuste bon sens (ce roman est basé sur des clichés fortement accentués) et fortement alcoolisées ; bien entendu, Berthe est une femme généreusement dotée de charmes charnels irrésistibles, à l'adolescence, elle découvre non pas les problèmes des menstruations mais la masturbation clitoridienne (l'auteur projetterait-il ses propres fantasmes sur son personnage ?).

Autre thème de prédilection dans la littérature franchouillarde, le racisme social anti-provincial prend ici la place la plus importante dans le récit : l'adjectif "provincial" est une injure très utilisée chez les parisiens de tout poil, et ce filon est tellement représenté dans la littérature française qu'on ne peut citer que quelques exemples parmi tant et tant d'autres (Mirbeau "Le journal d'une femme de chambre", Bordaçarre "La France tranquille", Ledun "La guerre des vanités", Siniac "Femmes blafardes" etc etc).
Ce racisme anti-provincial s'incarne ici dans le tableau de la petite ville (ce qui rappelle par exemple le récent roman de Marie-Hélène Lafon "Le soir du chien"), forcément peuplée de femmes hautaines cocufiées par des maris minables (là encore, le récit baigne dans les lieux communs). Ce racisme anti-provincial se double ici, comme si souvent, d'un racisme social visant les petits commerçants ainsi que les notaires (depuis Bruay-en-Artois, on sait grâce à Serge July et ses amis qu'un notaire ne peut être qu'un salaud, surtout s'il finit par se suicider car innocent).

Conformisme oblige, les hommes choisis par Berthe (qui ne semble vraiment pas maligne dans ce domaine) ou plutôt par l'auteur de ce roman, sont tous, sans exception, des crétins, des nullards, des faiblards, qui ne méritent que leur sort... à la seule exception – bien évidemment – du tout beau soldat noir états-unisien (ah, "les femmes et l'uniforme", c'est bien connu n'est-ce pas ? quel cliché !) seul homme digne d'une Grande Passion à la mode "Harlequin", d'ailleurs prénommé Luther comme le célèbre Martin.
Sinon, c'est bien connu, les garçons "ils sont très cons" (p. 226), et donc...
... Berthe (bis repetita : personnage créé par l'auteur) ne songe qu'à les utiliser, au pire sens du terme... Allez savoir pourquoi, le "féminisme" de Benoît Philippon me fait penser – surtout lorsqu'il amène en apothéose (p. 220) ce mot "libre" tant galvaudé aujourd'hui – à la "liberté" d'un Strauss-Kahn épaulé par Dodo la Saumure, d'un Baupin "libérant" les oiselettes écolos, d'un Darmanin demandant un service à une call-girl pour entrer aux "chandelles", club "libertin" comme chacun(e) sait.

D'ailleurs, pour ce qui concerne les autres nationalités des maudits mâles blancs, l'allemand est forcément un nazi, l'italien un sicilien soumis à sa "mamma" : là encore, l'auteur ne se fatigue guère et baigne dans les clichés racistes les plus consternants.

Et ça se termine par une mise en scène nauséeuse des chasseurs : pour ma part, il se trouve que l'un de mes voisins, octogénaire issu du monde rural profond, chasseur et pêcheur passionné, s'est vu doté par l'une de ses filles d'un gendre au moins aussi noir que ce GI habilement prénommé Luther : tenez-vous bien, il ne l'a pas zigouillé, et accueille chaque week-end ses rejetons métissés, incroyable, non ?

Pour conclure, deux sommets d'ignominie relevés dans ce roman.
Dès les premières pages, le poilu a "abandonné" sa fille (p. 21) pour partir à la guerre, puisqu'il "a préféré éparpiller ses tripes dans les tranchées froides" (p. 22).
Et cette phrase (p. 279) "elle avait un don pour l'élimination des embryons, aussi bien que pour celle de ses maris" se veut probablement drôle ?

Poubelle.
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