Citations sur Le Métier de vivre (353)
Nous dirons donc que même l'état de remords est le bienvenu, non en soi (car, comme toute douleur, il est dans son actualité un appauvrissement, un engourdissement, une pétrification) mais comme prémisse du plaisir causé par le repentir et le choix résolu consécutif de nouvelles bonnes actions qui ne donnent plus de remords. [...] [Mais] si le remords, le repentir et la résolution de bien faire qui en découlent, sont un processus positif (un enrichissement), on ne voit pas pourquoi on ne devrait pas pécher pour parcourir ensuite cette gamme d'enrichissement.
Pécher, c'est agir contre ce qui vous est habituel. C'est une rupture d'équilibre. [...]
Est péché ce qui nous inflige du remords. Il est naturel que les mêmes choses soient un péché pour l'un et pas pour d'autres : il suffit de ne pas en avoir de remords.
Seuls les astucieux savent faire le mal en triomphant. Celui qui souffre de cet état de choses et qui décide de faire une cochonnerie pour se venger, pour se mettre au diapason, pour triompher, doit ne pas oublier qu'ensuite il lui faudra toujours vivre avec astuce, savoir triompher, sinon l'habile cochonnerie commise une fois par hasard ne servira qu'à le tourmenter, contrastant avec tout son état persistant de non-astucieux, de non-salaud, d'inapte.
Ils ont raison les idiots, les fous, les têtus, les violents, tous - sauf les personnes raisonnables. Que fait-on d'autre dans l'histoire qu'inventer des explications raisonnables pour ses propres folies ? [...]
Il faut être fou et non rêveur. Il faut être en deçà de l'ordre et non au-delà.
Un fou peut encore redevenir sage, mais il ne reste au rêveur qu'à se détacher de terre.
Le fou a des ennemis. Le rêveur n'a que lui-même.
Il est facile d'être bon quand on est amoureux.
Crois seulement à l'attachement qui coûte un sacrifice : tout le reste n'est, dans le meilleur des cas, que rhétorique. [...]
De quelqu'un qui n'est pas prêt - je ne dis pas à te sacrifier son sang, ce qui est une chose rapide et facile - mais à se lier avec toi pour toute la vie (c'est-à-dire à renouveler chaque jour son don) - tu ne devrais même pas accepter une cigarette.
« Je passe la journée comme quelqu’un qui a heurté un angle avec la rotule de son genou : toute la journée est comme cet instant intolérable. La douleur est dans ma poitrine qui me semble défoncée et encore avide, palpitante d’un sang qui s’enfuit sans recours, comme à la suite d’une énorme blessure. Naturellement, tout cela est une idée fixe. Mon Dieu, mais c’est parce que je suis seul et demain, je connaitrai un bref bonheur, et puis de nouveau les frissons, l’étreinte, la torture. Je n’ai plus physiquement la force de rester seul. Une seule fois j’y suis parvenu, mais maintenant c’est une rechute et comme toutes les rechutes, elle est mortelle. »
13 septembre
extrait 3
C'est un grave dilemme : ai-je jusqu'à maintenant perdu mon temps en misant sur la poésie ou bien mon état actuel est-il prémisse d'une création plus profonde et plus vitale ?
13 septembre
extrait 2
Or, même jeune, je m'installais éthiquement : une fois trouvée la position de l'impassible chercheur, je la vivais et l'exploitais sous forme de création. Maintenant que j'ai cessé pour de bon de l'exploiter sous forme de création, je m'aperçois qu'elle ne me suffit même pas pour vivre.
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13 septembre
extrait 1
Une fois tenu le juste compte de mes diverses ecchymoses, de mes obsessions, de mes fatigues et de mes jachères, il demeure clair que je ne sens plus la vie comme une découverte et encore moins donc la poésie — mais plutôt comme une froide matière à spéculations, à analyses et à devoirs. Ici achoppe maintenant ma vie : la politique, la pratique, toutes choses que l'on apprend dans les livres, mais les livres ne nourrissent pas comme le fait au contraire l'espoir de la création.
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