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Critique de LaGeekosophe


J'ai enfin lu Trop semblable à l'éclair d'Ada Palmer ! Ce roman utopique a été cité à de multiples reprises comme un futur classique de la SF. Il avait de quoi attirer mon attention, à tel point que l'ai acheté en VO bien avant sa sortie en France. Qu'en ai-je pensé ?

C'est sans doute une remarque qui revient assez souvent, mais Trop semblable à l'éclair est une utopie qui construit un monde véritablement original. Dans les années 2400, l'humanité a connu de profonds bouleversements, technologiques dans un premier temps, mais surtout sociaux. Ada Palmer a choisi de s'inspirer de la pensée des philosophes des Lumières pour inventer une société à la fois familière et unique en son genre. Dans sa structure dans un premier temps : finies les familles bâties autour des liens du sang. Les individus vivent dans des bash, des sortes de colocations où les membres sont choisis selon leurs intérêts.

Finies les nations, le monde est divisé en “Hives”, en Ruches, qui regroupent les personnes selon leurs affinités, intérêts culturels et philosophiques, et leur adaptation à certains systèmes politiques plutôt que d'autres, de la démocratie jusqu'à l'Empire au système de passation du pouvoir qui ne repose pas sur l'hérédité. Parfois c'est très curieux, puisque les cousins sont régis par un système de suggestion box, par une boîte à idées du coup, ce qui semble être tout droit sorti de l'esprit maniaque d'un Chief Happiness Officer trop zélé.

En outre, le monde d'Ada Palmer s'explique à travers des avancées technologiques et techniques immenses. Dans un premier temps, les transports. Les voitures volantes autonomes existent et ont réduit la distance entre les hommes, littéralement et métaphoriquement, car c'est ce qui les a permis de construire des sociétés sans nations. le transhumanisme apparaît par petites touches à travers différents éléments. Les hommes vivent bien plus longtemps grâce à des sortes de bains de rajeunissement, 70 ans est considéré comme le milieu de la vie. Il existe moults autres exemples, comme les set-set, des humains élevés pour devenir de véritables ordinateurs, et une Ruche entière se dédie au développement technologique.

L'autre côté de la pièce, c'est qu'il existe des tabous. le premier est la religion. Suite à des guerres violentes ayant éclaté après la chute des nations. Il est ainsi interdit de parler de croyances en comité de plus de deux à trois personnes, ce qui a aboutit à l'apparition de sensayers, des sortes de conseillers spirituels. Un autre tabou est celui du genre, qui n'existe plus, ou du moins est dissimulé. Il n'y a guère que Mycroft qui s'amuse à appeler les autres personnages selon un pronom de son choix, plus lié à sa perception de ce qui est relié, ou non, aux idées reçues d'un sexe que de la réalité biologique. Les vêtements sont totalement agenres, le langage est en grande partie agenre également, ce qui apparaît assez coercitif envers les personnes cisgenres il faut l'admettre.

Nous arrivons à l'histoire à la troisième sous-partie, mais que se passe-t-il, Geekosophe ? Eh bien pas grand chose, malheureusement. Enfin pas grand chose, disons qu'on n'est pas beaucoup plus avancés sur les deux trames narratives principales : l'histoire d'un enfant de 13 ans, Bridger, qui semble être doté de pouvoirs divins dans un monde où la religion est interdite, et une autre qui même le vol de la liste des influenceurs mondiaux et des accidents de voitures autonomes volantes. Oui, c'est un peu confus dit comme ça. le problème est que “Trop semblable à l'éclair” semble être plus une sorte d'essai qui expose un monde original qu'une véritable histoire.

L'autrice entrecoupera par exemple son récit de nombreuses références directes aux philosophes des Lumières, dans le fond comme dans la forme. le roman est raconté à la première personne comme une suite de dialogues du point de vue de Mycroft, personnage trouble qui semble catalyser beaucoup de pouvoirs et d'attentions. C'est un procédé directement hérité de Diderot et de son Jacques le Fataliste. le fondateur de l'Encyclopédie aura par ailleurs droit à quelques paragraphes sur sa vie, son oeuvre, tout comme Voltaire et consort. le problème est que ce choix ralentit l'intrigue dans un premier temps.

Dans un second temps, cela donne un texte un aspect un peu pompeux, voire pédant (ironique, huhu. Bon, c'est peut-être Mycroft qui fait son malin). Avouons-le, les personnes qui mangeaient de la philosophie des Lumières en étude de lettres tout comme ceux qui n'y connaissent rien n'ont pas spécialement envie d'entendre la vie de ces derniers, mais plutôt d'en voir une analyse à l'aune de cette société futuriste.

Pourtant, le récit ne manque pas de potentiel. J'ai tout d'abord bien apprécié cette graduation dans l'univers. Ce dernier nous est d'abord présenté comme un endroit idyllique qui a su trouver un équilibre parfait entre force du groupe et besoins individuels. Tout comme Mycroft qui, bien que Servant, donc reprisede justice, nous semble bien lisse et doux. Mais petit à petit, l'univers comme notre narrateur gagnent en profondeur et en noirceur. Mycroft nous révèle un passé trouble et un petit côté manipulateur. le monde de Terra Ignota n'est pas si idyllique, avec ses petites politiques, les accointances entre les puissants et autres lieux troubles, comme le croisement déstabilisant d'un bordel et d'un couvent.

Ce dernier élément m'a par ailleurs sortie de l'histoire tant la scène du dialogue qui s'y déroule est surréaliste. Autre élément que j'ai trouvé peu crédible, Mycroft travaille pour beaucoup de personnages très puissants au sein du récit. Il me semble étrange que son statut lui donne accès à de nombreuses informations confidentielles qu'il pourrait facilement monnayer ou utiliser à l'encontre d'autres personnes. D'autant plus qu'il s'agit toujours d'un homme condamné. Mais peut-être y aura-t-il une explication à cet état de fait dans le second tome de la saga ?

La lecture s'est révélée dense et assez laborieuse. C'est pourtant le genre de concept qui me botte, entre transhumanisme, philosophie et manigances politiques. le récit a le mérite de nous plonger dans une société très bien structurée qui nous semble très éloignée de ce que nous connaissons. Des codes aux modes d'organisation politiques, le dépaysement est total. Cependant, j'ai trouvé le scénario peu accrocheur tant la complexité du monde a nécessité une exposition longue et aime à disserter.

Pourtant, il y a un beau potentiel car l'autrice joue bien avec les faux-semblants, mais reste qu'au bout des quelques 600 pages, je n'ai pas eu l'impression d'être bien avancée depuis le début du roman. Je lirais sûrement la suite ceci dit, car je suis curieuse de connaître le fin mot de l'histoire et que je pense qu'il y a des chances pour que le deuxième tome de la saga réalise pleinement le potentiel de l'oeuvre.
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