L’idée d’argent était présente partout, mais le pognon lui-même se transformait chaque jour un peu plus en une réalité qui relevait du on-dit, simple rumeur sur quelque chose que les autres possédaient ailleurs. Les amis commencèrent à tomber malades et mourir de causes non naturelles. Blessures par armes à feu, overdoses… injections mortelles. Elle ne réussissait pas à placer exactement le moment où la souffrance avait pris le pas sur le plaisir de vivre comme cadre d’existence quotidienne, pas plus qu’elle ne réussissait à placer exactement le moment où la came avait pris plus d’importance que tout le reste. Pourtant ces choses-là s’étaient ébruitées.
C’était comme si, du jour au lendemain, quelqu’un avait changé tous les décors du théâtre depuis la dernière fois. La pièce précédente, une farce comique, était arrivée à son terme. La nouvelle pièce, une farce tragique venait d’ouvrir. Tout comme dans l’ancienne, le rôle qu’elle tenait dans la nouvelle pièce était essentiellement indéterminé. Dans l’ancienne pièce, on lui avait accordé une grande liberté d’improvisation, à tous égards. Dans la nouvelle pièce, cependant, quelque force cachée, dont elle n’était pas maîtresse, dont elle ne comprenait pas la nature, lui disait toujours ce qu’il fallait faire. Et quand il fallait le faire.
C’était ainsi que les choses s’étaient passées plusieurs années auparavant, lorsque que Colleen avait été très amoureuse de Bobby Mencken. Ils étaient tous plus jeunes alors ; le monde entier était plus jeune. L’exubérance était bon marché et disponible en vastes quantités, comme l’essence dans les années cinquante. Mais quelque part en chemin, au fil du temps, les choses avaient commencé à prendre un tour plus grave.
Un exemple récent en est le Big Divot.
En 1984, deux cow-boys étaient en tournée d'inspection sur des parcelles reculées, presque toujours ignorées, appartenant à une ferme de la Réserve indienne de Colville, à l'ouest de Nespalem. Dans une petite cuvette,
où il était extrêmement improbable que cinq personnes aient pu mettre les pieds depuis les relevés topographiques exécutés par la compagnie de chemin de fer au dix-neuvième siècle, ils avaient découvert ce qu'on vint à connaître sous le nom de Big Divot. Au départ, ils avaient cru que ce n'était rien d'autre qu'une résurgence de basalte de la taille d'une voiture. (page 109)
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