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Critique de Aela


Edgar Morin vient de fêter ses 99 ans et on lui souhaite encore une longue vie! Ce livre écrit au moment de la crise du Coronavirus nous permet de prendre du recul sur cette crise qui a secoué la Terre entière et de dégager quelques conclusions intéressantes.

Ce court essai nous permet d'avoir un aperçu de sa vie longue et riche.. Après un passé bien rempli de résistant et de communiste, Edgar Morin a été sensibilisé assez tôt à l'écologie dès les années 70, marqué par le rapport Meadows de 1972, du nom de l'enseignant du MIT qui, l'un des premiers, a tiré la sonnette d'alarme sur la dégradation de la biosphère. Cette prise de conscience de l'écologie a été longue, regrette Morin, sans doute en raison d'une culture où la Bible, la philosophie, les sciences humaines ont pendant longtemps, disjoint nature, culture et règne animal.

Après ce préambule Edgar Morin revient sur cette crise que nous traversons et souligne qu'elle met en relief les faiblesses de la France.. pour n'en citer que quelques unes, l'excès de la bureaucratie, une centralisation excessive qui a empêché souvent les Territoires et collectivités locales d'exercer leurs compétences, le parasitage de certains ministères par les lobbies et firmes pharmaceutiques, la suprématie des spécialistes sur les généralistes avec par exemple les restrictions énormes qui ont été imposées aux médecins généralistes pour ce qui est du traitement des malades du Covid.

Une crise qui a, comme le souligne l'auteur, montré l'émergence de certains pays, là où on ne l'attendait pas: il cite le cas du Maroc qui a su s'adapter rapidement, augmenter la capacité en lits de réanimation et fournir assez vite des masques lorsque nous étions encore en pleine pénurie.
Cette crise est l'occasion aussi, et Morin insiste là-dessus, de revaloriser les professions habituellement dévalorisées: enseignants, soignants, caissiers...

Face à ce constat "lourd" il faut bien le dire, Edgar Morin ne propose pas de solution miracle mais il évoque plusieurs axes à prendre en compte:

- favoriser le travail par rapport au capital
- réinventer une nouvelle mondialisation qui s'accompagnerait parfois de "démondialisations" dans les secteurs vitaux comme la santé ou l'alimentation,
- réformer les administrations mais cela impliquera de gérer des transformations humaines et sociales,
- dynamiser la démocratie participative en faisant attention aux dérives que cela peut impliquer: absence des femmes ou des personnes en difficulté, risque de leadership des "forts en gueule"...
- enfin et c'est là que c'est le plus difficile, Edgar Morin propose d'inventer une nouvelle forme d'humanisme, une prise de conscience de la communauté de destin terrestre. Ce serait le message le plus fort, selon lui, de cette crise du Coronavirus.

Comme il le dit si bien, "nous sommes des êtres anthropo-bio-physiques, fils de la Terre." Un des effets de cette prise de conscience pourrait être l'établissement d'un service civique de solidarité.
Bien sûr tout cela n'est guère évident et parfois on a l'impression d'assister à des "voeux pieux" mais les perspectives données sont tout de même intéressantes.

ET enfin, l'auteur nous propose de redessiner une civilisation occidentale qui garderait ses valeurs de pensée critique et autocritique, les principes démocratiques, les droits de l'homme et de la femme mais qui saurait s'ouvrir sur certaines valeurs des civilisations traditionnelles (relation avec la nature, liens sociaux communautaires..)
La démarche d'Edgar Morin est très belle, il arrive à saisir le "positif" (si tant est qu'on puisse parler de "positif") dans cette crise terrible qui secoue le monde entier.
Ce confinement selon l'auteur aurait montré ce qu'il y a de superflu dans nos vies et partant de là, ce pourrait être la voie vers de nouveaux paradigmes.

Je n'avais jamais lu de livres d'Edgar Morin, j'ai apprécié celui-ci qui montre les grandes capacités de synthèse de l'auteur qui nous fait ressortir de manière admirable les tenants et aboutissants de la crise.
Son point de vue est souvent original et montre une grande connaissance des différentes civilisations.

Un petit mot pour terminer et pour souligner que la vie d'Edgar Morin est vraiment exceptionnelle: il a perdu sa maman à l'âge de 10 ans, sa maman étant décédée des suites de la grippe espagnole qui a causé bien plus de morts que celle que nous traversons, épidémie du début du 20 ème siècle et le voici affrontant maintenant presque centenaire l'épidémie de Coronavirus....
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