Dans ses remerciements, l'auteure anglaise,
Santa Montefiore, nous dévoile qu'elle a pris un immense plaisir à écrire ce livre qui sera suivi de deux autres tomes. le moins que l'on puisse dire c'est que ce plaisir se sent et est communicatif. J'ai en effet pris beaucoup de plaisir à lire ce livre et j'en suis la première étonnée.
Il faut dire que j'avais hésité à accepter cette masse critique privilégiée : le résumé, la présence d'étiquettes comme « romance historique » ou « roman d'amour », la couverture, me laissaient perplexe quant au style du livre aux antipodes de mes lectures habituelles. Ma curiosité a finalement été la plus forte et je me suis dit que sortir de ma zone de confort en période estivale était une bonne chose. Oui mais, lorsque le livre est arrivé, le bandeau a été un véritable coup de massue : « L'autrice qui a conquis 6 millions de lectrices »…sexiste à souhait, racoleur, un coup marketing… rien de tel pour me faire fuir, j'ai donc procrastiné jour après jour la lecture de ce livre ceinturé de ce bandeau bleu, fondu dans la couverture (j'étais gênée en le posant, je le retournais sans arrêt tant ce bandeau m'horripilait), livre qui plus est de plus de cinq cent pages tout de même. Bon, il parait que les cris d'orfraie de toutes les personnes ayant reçu ce livre dans cette masse critique au sujet de ce bandeau ont porté leurs fruits, celui-ci va être modifié.
Un engagement étant un engagement, j'ai donc dû le commencer. J'imaginais déjà le 1 ou 2 étoiles avec mes arguments implacables : niais, pour midinettes, gnan-gnan…préjugés et clichés avant même de le découvrir, c'est une belle leçon pour moi qui ai snobé ce livre, j'ai aimé le lire. Vraiment. Sous le charme des descriptions de ce pays qu'est l'Irlande, j'ai aimé suivre les événements historiques qui ont marqué l'Irlande et l'Angleterre et le talent de conteuse de
Santa Montefiore est indéniable, par le biais de multiples rebondissements elle parvient à nous faire enchainer les chapitres avec bonheur à tel point que je sais désormais que je lirai la suite de cette sage. Il me fait l'effet d'une bonne série sur une certaine chaine que nous sommes un peu gênés de regarder mais à laquelle on pense souvent et qu'il nous tarde de retrouver. Une sorte de gourmandise non assumée…
L'histoire se déroule en Irlande, au début du 20ème siècle et raconte le destin entrelacé de trois filles, d'abord enfants puis femmes, que tout semble opposer : Kitty Deverill (l'héroïne principale de ce livre), noble anglo-irlandaise, espiègle et intrépide à la beauté sauvage, cheveux roux (« faits d'or filé et de rayons de soleil ») et yeux gris, très proche tant physiquement que par l'esprit de sa grand-mère Adeline Deverill, puis Bridie Doyle, timide fille de la cuisinière devenue la meilleure amie de Kitty qui vit par ailleurs dans une mansarde vétuste avec sa famille, et enfin Celia Deverill, exubérante cousine de Kitty qui vient chaque été lui rendre visite. Toutes les trois ont passé d'incroyables moments de connivence et d'amitié dans le château de Deverill, lieu emblématique et coeur du roman, et une profonde amitié les unit.
Ce château, qui donne une ambiance particulièrement gothique au roman, est un personnage à part entière, il a une histoire très singulière. Il est bien la propriété des Deverill, cette famille noble anglo-irlandaise, bâti par Barton Deverill, partisan du roi Charles 1er d'Angleterre, mais sur des terres qui appartenaient aux O'leary, famille irlandaise. Une terre que Barton Deverill s'est totalement approprié. Un sort a ainsi été jeté : tous les héritiers mâles de Barton, une fois morts, viendront errer dans ce château, dans une sorte d'entre deux, sans repos possible, jusqu'à ce qu'un O'Leary revienne vivre sur les terres…Le château est donc plein de fantômes que seules Adeline et Kitty arrivent à voir et avec lesquels elles arrivent à communiquer. Pas la peine de vous dire que ces fantômes enfermés par une malédiction donnent quelques scènes assez cocasses et pleines d'un charme magnifiquement gothique…
« Nous ne sommes pas des êtres humains vivant une expérience spirituelle mais des esprits vivant une expérience humaine ».
Lorsque la vie de ses habitants va être bouleversée par
L Histoire, par la lutte pour l'indépendance de l'Irlande, le château, symbolisant la domination anglaise, va ainsi se trouver au coeur des conflits. Kitty, profondément attachée à l'Ireland, résolument irlandaise, va choisir son camp.
Entre trahisons et secrets, entre tiraillements entre la grande Histoire et les vicissitudes de la petite histoire de chaque protagoniste, les trois amies vont se séparées et semblent même être devenues irréconciliables…seule le château, qui referme tous leurs souvenirs, est un point d'attraction stable.
Alors certes c'est assez convenu, c'est vrai. Quelques exemples : L'héroïne, Kitty, est intègre, belle et sauvage, indomptable et courageuse, intelligente et espiègle. Sa mère la déteste et est un personnage aussi sombre et pathétique que sa fille est lumineuse et pure. L'histoire d'amour sera facile à deviner, une belle histoire qui fera des jaloux et donc de grands dégâts. La pauvre Bridie sera, elle, comme beaucoup de domestique, engrossée par un noble et devra abandonner son enfant, elle sera envoyée loin pour éviter tout scandale… Convenu je vous dis. Certes. Et pourtant certains rebondissements m'ont surprise et le talent de conteuse de l'auteure est manifeste. La vie des domestiques, celle des paysans, la vie des habitants de Ballinakelly est très bien décrite, leurs masures, leurs conditions de vie difficiles, la famine même dont il est fait mention, la place du christianisme, mais aussi l'odeur du hareng fumé, le son du violon et des vieilles chansons irlandaises ; comme est bien rendue la vie des nobles, leurs exigences, leurs calculs lors des mariages et des héritages, leurs angoisses de la mauvaise réputation, cette vie faite de convenances et d'apparence.
Ce livre déroule à la fois l'Histoire de cette période, depuis la guerre d'indépendance irlandaise avec son contenu religieux, la montée de l'IRA, la séparation entre le l'Irlande du Nord et l'Irlande du Sud, jusqu'à la Première Guerre Mondiale, et se penche de façon méticuleuse sur une forme de sociologie des différentes strates sociales en Irlande et en Angleterre. C'est instructif et passionnant. Cette façon d'approcher
L Histoire, très romanesque, permet de se l'approprier avec plus de couleurs, de sensations, de sentiments.
Ensuite, ce livre est une véritable ode à l'Irlande, à sa beauté sauvage et immuable. J'ai profondément aimé voir et sentir les odeurs de ces collines d'un vert velouté aux sommets tapissés de bruyère et drapés dans la brume, celles des prairies ondulantes de fleurs sauvages et de hautes herbes, celles des moutons parsemant les collines telles des fleurs de pissenlit duveteuses, l'odeur des ajoncs cerclés par les murets de pierres grises…mais aussi sa facette maritime, la pluie fine sur la mer, le cri désolé d'un Goéland, le vent implacable battant la côte et les mystérieux mégalithes qui lui avaient résisté pendant des centaines d'années.
« Les arbres étaient dénudés et leurs branches noueuses brillaient dans la bruine. de grands corbeaux sautillaient sur le toit d'une ferme abandonnée. Les vaches broutaient dans des prairies luxuriantes et les moutons laineux ponctuaient de points blancs les flancs des collines, camouflés parmi les rochers »…
Je ressors revigorée par cette lecture estivale qui a réuni tous les ingrédients que j'attendais en cette période trouble : du divertissement, un vrai dépaysement, une histoire prenante aux multiples rebondissements, des connaissances historiques passionnantes et une envie irrésistible de poursuivre l'aventure…Le tome 2 ne sort-il pas entre le 30 juin et le 8 juillet ?…Non ? Vraiment dommage :-(
Je remercie chaleureusement Babélio et les éditions versô pour cet envoi ! Merci de nous ouvrir à d'autres lectures que nos lectures habituelles !