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M’ont editions (08/06/2020)
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Une fois de plus un livre traduit du russe qui nous vient d'Angleterre quand ce n'est pas de la Suisse paru en 2020 !..



Dimitri Merejkovsky est un romancier historique, biographe, essayiste, critique littéraire puissant, pénétrant comme Zweig qui le lisait.

Dans ce livre comparé des deux monstres sacrés de la littérature russe que sont Tolstoi et Dostoievski, l'auteur a l'heureuse idée d'en faire des cavaliers seuls qui se croisent au fil des chapitres pour les confronter dans le dernier chapitre.

J'ai pointé personnellement le chapitre lll intitulé : « Tolstoi, la pensée de la mort » qui commence par l'enfance avec une pertinence que je trouve rarement chez les biographes qui ont le nez un peu trop dans le guidon en s'attachant par exemple aux journaux intimes et aux carnets qui ne sont qu'une partie de la vérité de l'auteur-artiste russe.

Dans notre siècle où on ne parle que de résilience au mépris du reste, ça me fait bien marrer !..

Ce chapitre est éblouissant, lumineux car il est rempli de justesse. Merejkovsky a lu toute l'oeuvre de Tolstoi, celui-ci a dit un jour à un journaliste l'interpelllant inopportunément : « Si vous voulez savoir ma vérité, elle est dans mes livres, lisez mes livres. »

Tolstoi fera sienne cette lumineuse maxime de Goethe : «  Je plains ceux qui attribuent trop d'importance à la mort de tout ce qui existe, et se perdent dans la contemplation du néant des choses terrestres. Notre vie a-t-elle donc un autre but que de rendre permanent ce qui n'est que passager ? Et nous ne saurions y arriver qu'en sachant apprécier l'un et l'autre à sa juste valeur »

Tolstoi s'attachera à la vie et même ses exégèses religieuses le renverront sur terre, et quand il traite de la mort, c'est la mort pour la vie. Il s'agit donc d'un parti pris, et jusqu'à où cela le mènera-t-il, prenant sur soi évidemment, tout sur soi quand la dureté de la vie est impitoyable.

Merejkovsky cite un extrait d''Enfance où l'auteur voit sa mère morte et dit ceci : « Je frissonnais d'épouvante en me convainquant que c'était elle .. j'entendis un cri d'épouvante (celui d'une paysanne) tel que, dussé-je vivre cent ans, je ne l'oublierai jamais).

C'est bien sûr là une scène irréelle puisque Tolstoi avait 2 ans quand sa mère est morte, mais l'écrivain la vivra comme une obsession toute sa vie. Ce sont ses angoisses existentielles qui vont s'ensuivre dont il ne dira mot, prenant sur lui, sauf dans ses oeuvres, mais il en tirera une force. le mot épouvante est profondément juste : il ne souhaitera pour personne faire partager ses sentiments funestes. Merejkovsky nous dit là que la peur de la mort ne les troubla jamais dans la jouissance de la vie. « Les » c'est qui ? Goethe cet hellène, le roi Salomon, Tolstoi. Bien au contraire, l'abîme et les ténèbres ne faisaient qu'en accroître pour eux le charme. Ainsi le noir de velours rehaussé les feux du diamant.

Merejkovsky cite plus loin la mort du frère de Tolstoi, Nicolas à Hyéres en 1860, à laquelle celui-ci était présent. «  il s'assoupit, puis, tout à coup, il tressauta, et murmura avec effroi : « Qu'est-ce que c'est ? » Il avait vu son passage au néant. Mais, s'il ne trouva pas, lui, à quoi s'accrocher, que trouverai-je, moi ? Rien, à plus forte raison. » Nicolas était son grand frère qu'il aimait plus que tout, son guide de conscience .. En quelque sorte, cette mort désincarnée, ce n'était rien d'autre qu'un passage au néant. Point barre ! Ainsi selon l'essayiste, parlaient les hérétiques judaïsants, ces nihilistes russes du XV e siècle ! Il ajoute que 25 ans plus , on retrouve le même sentiment de peur instinctive et animale dans la Mort d'Ivan Ilitch : il demeura de nouveau seul à seul avec elle. En tête à tête avec elle. Et il n'y avait que faire d'elle. Il n'y avait qu'à la regarder, et à se sentir envahi par le froid. »

Selon encore le biographe, nous connaissons Tolstoi comme un homme plein de courage, d'intrépidité physiques. Les balles sifflant autour de lui au quatrième bastion de Sébastopol lui causaient une forme de jouissance : il trouvait plaisir à vaincre la peur de la mort par une exubérance de vie. Pas plus la mort ne l'effrayait devant un loup enragé, comme devant un ours blessé qui chargeait, lors de ses chasses qui ont nourri sa littérature, et lui blessé pour de bon, il n'y avait rien de fictif là-dedans ! La mort physique lui pèle le poil comme un haricot ! Il y a là quelque sentiment plus immatériel reflétant l'état de son âme !

La psychologue-écrivain Anne Anargyros a parlé de déchirure à son endroit, ce qui complexifie sa personnalité, la dédouble ; il sera dégoûté de la vie à plusieurs reprises, mais sera toujours supporté par cet autre qui est en lui, jusqu'au jour où je pense qu'il mettra un pied à terre, et cela sera révélé dans la rédaction de sa Confession en 1882. C'est simple : il ne voit plus le sens de sa vie ! Alors que pasa ?

La Confession de Tolstoi Léon, il a alors 54 ans, est bomba revelation dans son oeuvre. Par son originalité déjà puisqu'elle est autobiographique, ce n'est pas qu'il ne soit pas rompu à l'exercice, mais il le dédaigne clairement. Il y a bien une filière, comme j'ai lu abusivement avec Enfance, Adolescence, Jeunesse, et Souvenirs, mais les trois premiers sont semi-autobiographiques ou arrangés de sa vie propre sous l'angle d'une tonalité romanesque avec sa vie propre de jeunesse, comme j'en ai fait état plus haut avec la mort de sa mère, et Souvenirs, une centaine de pages réalisées à la demande de son secrétaire-biographe Paul Birukov auquel il s'est plié de mauvaise grâce et auquel il a finalement renoncé, se sentant très mal à l'aise de raconter sa vie, comme une impudeur d'autant plus qu'il répudie les 30 premières années de sa vie à cause de leur caractère dissolu. Ces volets n'en constituent pas moins un versant de son oeuvre formidable à lire. La parution d'Enfance notamment a fait un carton !

Ses premiers Souvenirs sont rédigés en 1879, c'est l'époque où, rompu à l'exercice des équipées littéraires géantes, il se coltine pas moins la refonte des Évangiles, mais c'est aussi autre chose, c'est là l'idée qui lui vient d'entreprendre sa fameuse Confession achevée en 1882 donc ! Y-a-t'il un rapport avec l'écriture de ses Souvenirs ? Il faudrait encore faire des fouilles dans ses témoignages parallèles. Quoiqu'il en soit, en 1879, il a 51 ans, et moi ça me rappelle une autre vie plus près de nous que j'évoquerai ultérieurement. 1879-1882, ce sont aussi des pépites qui jaillissent comme de quoi vivent les hommes, Mémoires d'un fou .. Bien que 1882, signifiera à mes yeux et aux yeux de Sonia l'arrivée dans la vie de Léon du spectre Tcherchov, élément nuisible, un des seuls dont l'intéressé ne n'émancipera pas vraiment jusqu'à la fin de ses jours, malgré quelques « consessions faites à sa femme. Mais cela est postérieur à la Confession , ce qui affermit mon point de vue sur cet événement dont il est question ici.

Sa Confession, ce ne sont pas les Confessions de Rousseau son mentor de jeunesse, elle fait à tout casser 120 pages, mais alors c'est un écheveau littéraire ahurissant, une merveille de construction habile et tonitruante, pont sur pont, connexion extraordinaire d'un seul souffre où l'on sent surtout, -je ne saurais le définir autrement que plus d'un se serait cassé la gueule sans aucun doute..- à mettre au rang de ses performances et autres défis au sommet d'artiste-écrivain.

La Confession
Où cela le mènera-t-il, avais-je questionné plus haut. Eh ben, c'est l'heure de vérité. Il craque, c'est nerveux, c'est existentiel, c'est métaphysique. Je ne fais pas la même analyse que beaucoup d'observateurs en parlant de conversion alors. C'est le dédoublement de personnalité qui fond comme un Rimmel : l'autre se saborde et ne répond plus. L'oeuvre grandiose, planétaire, le mariage qui a 20 ans de rayonnement, la famille nombreuse, la gloire, le succès, la fortune, les terres fécondes du comte, ne vont pas suffire à colmater la brèche qui le mine : c'est la crise ouverte !

Anna Karenine qu'il destinait aux occidentaux est misérable, déclare-t-il. Les Quatre livres de lecture qu'il destinait à la formation des enfants de paysans est sa tasse de thé. la Confession est l'acmé de sa vie et non de son oeuvre, puisqu'il signera encore bien sûr des chef d'oeuvres qu'il n'est point besoin d'énumérer. Son âme d'écrivain s'en ressentira-t-elle.? Écrire a toujours été ce qu'il savait faire de mieux, à part peut-être faire des gosses à sa femme Sonia ; aussi, il continuera au même rythme. C'est le ton qui va changer résolument, le style subira quelques variantes passagèrement pour aller vers des nouvelles dans un style dépouillé, épuré. La Confession a ceci d'original qu'il ne vaut mieux en rater une ligne d'enchaînement car le cheminement intellectuel monte en puissance au fil des chapitres et on est bon à reprendre dès le début. Attention, c'est vertigineux ! le point d'orgue de son exposé est quand il remet en question le sens de sa vie qui en l'état va droit dans le mur. Luna Jurgenson qui en signe la traduction dit ceci : « Aveu d'une puissance rare, même chez un écrivain aussi considérable, précisément parce qu'il abandonne tout artifice littéraire, inévitablement entaché de pêché dans sa nouvelle vision du monde, pour confiner aux mots une sorte d'énergie primitive, une signification transparente libérée de toute médiation .. puisque Tolstoi y deploie le paysage d'une âme désespérément séparée de Dieu, désertée par la grâce, seule face à l'obsession de la mort ». À mes yeux, la quintessence de cet ouvrage qui reste peu connu du grand public


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