Une sorte de roman d'apprentissage à l'anglaise. le personne central, Harry Richmond est partagé en deux : entre son grand-père maternel, riche et respectable squire et son père, aventurier aimant brillant, mythomane et guère scrupuleux sur ses moyens d'existence ; entre sa patrie et l'Allemagne, une sorte d'Allemagne de conte de fées et de culture ; entre Janet la sage et honnête jeune dame anglaise et Ottilia la princesse allemande férue de philosophie et nimbée d'un charme incomparable. Et il oscille en permanence entre l'un et l'autre de ces possibles, sans jamais être en capacité de trancher, et se laisse mener par les événements.
Le roman joue sur de nombreux registres : d'abord j'ai eu la sensation d'assister à un de ces romans de moeurs à l'anglaise, avec cette demeure familiale troublée par l'arrivée de ce mari et père indigne, et qui emporte son fils. On entrevoyait le drame qui a présidé à la situation, et je m'attendais aux développements un peu classiques d'un conflit familial, des histoires d'héritage etc. Tout cela est occulté pendant un moment par la description du père vu par le fils, un très jeune enfant qui succombe au charme de cet homme qui lui conte des histoires, le fait rêver, lui donne des signes manifestes d'affection, et qu'on devine à quel point cette façon d'élever un enfant devait se situer à l'opposé de ce que Harry a du connaître jusque là. Et puis, une rupture (le roman fonctionne pas mal par ruptures), et Harry se retrouve en pension, et là un épisode peut être classique de vie de pension par un jeune garçon, avec les amitiés pour la vie, les inimitiés et une manière de se construire. Puis une fuite, presque onirique, un voyage avec une bohémienne, et le retour presque sans le vouloir (mais peut être pas) chez le grand-père. de nouveau une tranche classique de la vie anglaise, puis le désir de revoir le père prodigue, un enlèvement par un capitaine mystique que amène Harry en Allemagne, et à la poursuite du père, un voyage magique, entre rêve et réalité jusqu'au château d'une belle princesse. Je passe la suite, parce que les rebondissements sont nombreux.
Un livre impossible à résumer, difficile à classer. Il y a une part de satire sociale, mais ce qui la rend intéressante et originale, c'est que l'auteur ne se borne pas à regarder les classes privilégiées anglaise de Grande-Bretagne, il y a une comparaison avec l'Allemagne, une sorte de vision critique de l'extérieur, ce que je n'ai pas le souvenir d'avoir lu souvent sous la plume d'un auteur anglais. En même temps, il y a des portraits des personnages, très opposés les uns aux autres, ce qui fait ressortir les défauts et qualités respectifs de chacun. Et puis ce côté rêveur, poétique, qui par moments font se demander ce qui est vrai ou non. Un mélange étrange et très prenant. Même s'il y a quelques longueurs à la fin, les passages avec le père, qui en perdant peu à peu sa séduction a besoin d'en faire de plus en plus, la passivité du fils aussi devient un peu trop systématique.
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