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Critique de berni_29


Je voudrais vous parler de ce roman, Train de nuit pour Lisbonne, que j'ai beaucoup aimé. Il a été écrit par Pascal Mercier, écrivain et philosophe suisse.
Il n'est pas facile d'entrer dans ce livre, d'une écriture dense, parfois complexe, exigeante.
Et pourtant, le propos est d'une magnifique humanité. Je rajouterai même, d'une générosité qui s'exprime dans l'intention des mots, des personnages, de leurs destins.
Tout débute avec les premières pages où nous faisons connaissance avec Raimund Gregorius, professeur de langues anciennes proche de la retraite, qui enseigne dans une université de Berne, en Suisse. Nous allons le suivre dans son itinéraire improbable qui le mène de Berne à Lisbonne, mais surtout au plus près de lui-même. Train de nuit pour Lisbonne, c'est un aller simple en terre intérieure.
Mais ce n'est pas l'essentiel.
Comment imaginer que ce professeur au costume un peu poussiéreux, puisse un jour tout abandonner derrière lui, au prétexte d'une double rencontre, celle d'une femme prête à se jeter d'un pont et quelques heures plus tard celle d'un livre, écrit par un médecin portugais, Amadeu de Prado..., les deux événements étant bien entendu liés ? Pourtant il le fait. Au milieu du cours de latin qu'il enseigne, il se lève de son siège, laisse ses élèves derrière lui, il s'en va, il prend un train une nuit pour Lisbonne...
Ce qui est improbable, ce n'est pas tant de partir sur un coup de tête, mais c'est justement que ce soit cet homme, Gregorius, dont l'existence est réglée comme du papier à musique, qui le fasse.
Par-delà le texte parfois très complexe, nous entrons très vite dans l'humanité des personnages et de l'histoire que Raimund Gregorius vient révéler, comme un catalyseur, tirer le fil d'une histoire où des personnages presque oubliés, surgissent parce que Raimund Gregorius est venu les réveiller là-bas à Lisbonne, dans leur silence mutique.
Nous découvrons Lisbonne comme une ville secrète, théâtre de souvenirs convoquant des personnages douloureux, mais tout aussi généreux, hantés par les blessures qui les hantent, nous découvrons le temps de la dictature portugaise, pas si ancienne finalement, c'est une époque qui paraît relative récente adossée à l'Histoire européenne, tout à côté de nos portes...
Nous découvrons des lieux, des êtres quasiment demeurés immobiles depuis lors...
Ce texte mêle une trame romanesque qui nous agrippe et nous entraîne dans la beauté mélancolique de Lisbonne, mais aussi dans l'histoire de ce jeune médecin engagé dans la Résistance contre Salazar, ce qu'il a laissé comme témoignage après lui...
Le chemin d'Amadeu de Prado est confronté aux questionnements et aux contradictions qui peuvent déchirer un être voué à l'écoute de l'âme humaine. La vie d'un ennemi tortionnaire qui envoie des milliers d'innocents dans les geôles a-t-elle le même poids qu'un tout autre patient ordinaire, lorsqu'on est médecin ? Comment être un enfant lorsque son père est juge sous le régime d'une dictature, comment grandir alors dans l'innocence et l'insouciance, à quoi peut-on dès lors accrocher ses rêves si ce n'est aux propres rêves des autres ?
Le chemin de Raimund Gregorius, quant à lui, devient une errance, une déambulation magnifique et tourmentée dans les lieux du passé, dans un dédale de pages où sont invités à venir vers lui des fantômes dont certains sont parfois encore vivants.
À quoi tient la transformation d'un homme empesé par le conformisme et les habitudes si bien apprises ? À quoi tiennent l'éveil et l'envol ? L'arrachement à notre quotidien...
À quoi tiennent nos ailes prêtes à surgir au moindre ciel tendu vers nous... Au moindre train...
Peut-être que tout ce livre pourrait se résumer à cette seule phrase prise dans le récit : « Je ne voudrais pas vivre dans un monde sans cathédrales. J'ai besoin de leur beauté et de leur noblesse. J'ai besoin du saint recueillement des hommes qui prient. Pourtant je n'ai pas moins besoin de liberté et d'hostilité envers toute cruauté. Et que personne ne me force à choisir ».
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