Quand Abu al-Fazl Sarakhsi [shaykh d'Abû Saïd ibn Abû al-Khaïr, XIIeme siècle, Khorassan] fut sur le point de mourir, ses disciples lui demandèrent :
– Maître, où désirez-vous être enseveli ?
Aucune réponse du Soufi.
On avança le nom d’un cimetière.
– Sûrement pas, dit le mourant. Là reposent de grands et célèbres hommes et je ne suis pas digne de leur compagnie.
– Où alors ?
– Portez-moi au cimetière de Barstul, où sont enterrés les prostituées, les buveurs et autres êtres de plaisir et de jouissance. Ceux-là sont bien plus près de Sa clémence. (Jâmî, Nafahat-ul-uns, 285, p. 51)
Abdul Hassan Kharraqânî [963-1033], l’amoureux de Dieu, est profondément recueilli. Il prie. Le grand silence est là. Soudain, la Voix :
– Ô Abdul Hassan ! Désires-tu que Je dise aux gens ce que Je sais de toi, en sorte qu’ils te tuent ?
– Ô Seigneur ! répond Kharraqânî, désires-Tu que je dise aux gens de ce que je sais de Ton indulgence et de Ta miséricorde, en sorte qu’ils cessent de prier ?
– Alors…, dit la Voix, gardons le silence. (Attâr, Tazkirat-ul-Awliya, 178, p. 77)
Pleurs amers d'un homme en détresse.
- De quoi s'agit-il ? demande Shebli.
- Je n'avais qu'un seul véritable ami dans la vie, sanglote le malheureux, et il est mort!
- Aventureux! murmure Shebli. Pourquoi donc avoir choisi un ami susceptible de mourir ?
[Abū Bakr] al-Shiblī [m. 946] raconte :
Un jour, je rendis visite à Nurî.
Je le trouvai profondément recueilli, dans un état de pleine concentration, absolument immobile.
De son corps, pas un cheveu, pas un cil, pas un poil ne bougeait.
Quand il sortit de cette plongée sans bords, je lui demandai qui lui avait enseigné une si parfaite quiétude.
Il me dit : « Je l’ai apprise d’un chat qui guettait une souris. Mais il parvenait à une immobilité bien supérieure à celle que je ne fais qu’approcher. » (Attâr, Tazkirat-ul-Awliya, 44, p. 86)
Les fleuves murmurent comme ils coulent.
Quand ils atteignent la côte, leur chant
devient silence.
Leurs flux n'affectent pas l'Océan.
Paroles, cris, actions et désirs jaillissent de ce
côté du Voile.
De l'autre côté, il n'y a que silence, quiétude,
paix. (Bayezid Bistami, p. 161)