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Critique de tiben


Un roman éblouissant
 
« Sur cette route, je reviens vers toi, mon Père, toi qui es l'autre nom de ma colère, parce que là-bas, au creux de la forêt, dans ta large Demeure, à l'annonce du non-lieu, dit-on, tu es tombé, et il n'y a plus que moi sur cette terre pour t'aider à te relever. Te relever ou t'achever, je ne sais pas encore. »
 
Tout est dit dans ces premières lignes de Cette vieille chanson qui brûle par Alexandre Lenot : le Père, la Demeure, la colère, la forêt, la terre, le non-lieu qui laisse transparaitre un drame.
 
Jérémy et Noé (le narrateur) sont « les deux garçons sauvages de la forêt ». Leur nom est prémonitoire : Reclus. Ils ne sont que « de petites choses sans histoire. »
 
« Ainsi, dans le monde des autres qui nous avalait le matin et nous recrachait le soir, nous étions sans substance et sans couleurs et cela se sentait, cela se voyait, cela se reniflait, la plupart de nos congénères nous ignoraient et ceux qui nous approchaient parfois on aurait dit qu'ils tournaient autour d'un gouffre »
 
La mère est partie depuis fort longtemps, le « Vieux Père », « Père famélique », « notre enfurié de Père », est tyrannique. Jérémy est son préféré. Les deux jumeaux fuient la Demeure et se réfugient dans la nature. Ils construisent une cabane dans la forêt, leur lieu de respiration et de survie.
 
« L'instant d'après, tu n'étais plus là et pour la première fois nous étions délivrés, pour de bon croyions-nous alors, de la force de ton attraction. le vide était vertigineux. »
 
Jusqu'à ce qu'ils soient découverts et que l'école devienne leur nouveau lieu de vie imposé.
Jusqu'à ce projet qui détruit la forêt.
Jusqu'à ce drame…
 
« Moi, je suis l'enfant inquiet d'un dieu exaspéré, et quoi qu'on verse en moi je fuis par la base et ne me remplis jamais, peut-être même que je n'ai pas de fond, je ne serais alors qu'un trou, un gouffre sans substance, quelque chose qui perd son temps à essayer d'exister. »
 
Noé revient à la Demeure après ce drame. Sur le chemin, il se remémore son enfance. Lui était « un jeune homme en colère mais pas un guerrier, c'était la première fois qu'on me voyait si clairement. »
 
C'est l'ultime confrontation.
 
Alexandre Lenot nous offre dans un peu plus de 200 pages un sublime texte. Sa construction est singulière. Les phrases sont longues, à l'image de vers libres très littéraires, extrêmement visuels et sensoriels. La nature est sublimée, la violence affirmée.
 
Le rythme est lent. Roman d'apprentissage et roman d'atmosphère, ce cri de colère du narrateur est aussi une déclaration d'amour au frère, à la nature sauvage, aux animaux.
 
Cette vieille chanson qui brûle est un texte engagé et subtil.
 
« Comment se sent le caillou au fond de la rivière, pris dans la gangue des sédiments, immobile depuis toujours ? »
 
Et vous, dans quel état serez-vous en refermant ce texte si fort d'Alexandre Lenot ? Nostalgique de votre enfance ?  Combattif et militant pour protéger plus que jamais notre nature sauvage ? résigné et impuissant face au « pouvoir » ?
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