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EAN : 9782877042024
80 pages
Editions Unes (12/04/2019)
4.14/5   7 notes
Résumé :
Le verger n’est pas une métaphore, c’est un rapport au monde. Une attention constante au soin, à la forme des fruits, à la hauteur et la direction des branches. Une attention à des cycles plus vastes que l’homme. Faire croître c’est avoir conscience de l’environnement : pruniers, abricotiers, cerisiers, chaque arbre porte son caractère, sa nature. Patience, attention et gestes sûrs sont nécessaires à leur apprivoisement. Cédric Le Penven pèse les heures dans ce livr... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
"Livre reçu dans le cadre de l'opération « Masse Critique » de Babelio dont je remercie les organisateurs ainsi que les éditions mentionnées.

Verger" est un écrit en prose avec retour à la ligne – comme des vers libres – ; pas de strophes mais des paragraphes ; pas de rimes mais des images ; peu de points et donc peu de majuscules – comme un souffle ininterrompu – ; une structure parcellée, un rythme impromptu, une parole qui jaillit du tréfonds de l'âme. C'est un écrit poétique.
Le récit, lui, est linéaire, il se déroule au fil des mois et des saisons. Il épouse le travail dans un verger, en fait la description au cours des journées, depuis les détails jusqu'à des réflexions humaines et philosophiques. Les travaux comportent plantation, compost, paillis, traitement des maladies, greffe, cueillette, pauses, etc., pas forcément suivant cette chronologie, mais en parallèle pour certains, pour une vision d'ensemble. Au passage, l'auteur ne manque pas de critiquer les méthodes modernes : « tu sais trop combien ton grand-père est mort parce qu'il épandait des produits miracles par hectolitres sans la moindre protection ».
Cédric le Penven propose un « rapport au monde » attentif et attentionné, apposant « notre marque humaine » avec équilibre et le respect dû à la nature.
De la même façon qu'il soigne son verger, il soigne ses blessures (p 25, 42-3, 52-3, 64, 68). Ou plutôt le verger fait resurgir des souvenirs pénibles qui tendent à démontrer une violence intériorisée qui ne demande qu'à s'extérioriser afin de mieux guérir.
Pour le professeur de lycée, ce retour à l'enfance par introspection, intercale de brefs mais alarmants signes de maltraitance, de traumatisme, de brutalité qui dépassent la tolérance vis-à-vis de la rudesse campagnarde.
Passer du « je » au « tu », puis de nouveau au « je » imprime une distanciation. le narrateur s'« enferme des heures entières avec un double » (p 71) qui non seulement atténue sa souffrance, mais s'adresse éventuellement à un autre plus général : ce n'est pas « son » double mais « un » double. C'est lui qui va le « réconcilier avec [lui]-même », alors que son ambition ressemble à celle de « Prométhée et Sisyphe » (p 57).
Jardiner met en ordre le chaos. Conjointement, c'est un rappel incontournable : « j'avais oublié – tout doit disparaître. »

Ce titre a été ajouté à ma liste « Titres d'ordre végétal » et à mon essai en cours - voir sur anne.vacquant.free.fr/av/
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Je ne pense pas que l'on puisse affirmer que l'on aime, ou non, la poésie. Elle peut revêtir tant de formes, au-delà des vers et des rimes qui la représentent si souvent. Elle est surtout délicatesse, parfois mélancolie, mais toujours pureté. Cédric le Penven nous livre ici les clés pour renouer avec nos origines, les mains dans la terre, le coeur battant au rythme des saisons. Avec une intensité et une évidence bouleversantes, il a fait vibrer l'enfant de la campagne à l'esprit torturé que je suis, marchant dans ses pas, humant les parfums de ce verger qui lui tient tête, observant la vie qui s'y déroule sans faillir. Une merveille de douceur et de réconfort, une réconciliation avec soi, une reconnection à la vie.
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Un grand merci à Babelio et à l'opéra Masse Critique pour la découverte de cet ouvrage des Éditions Unes.
je n'avais encore jamais lu un livre de ce style. Une prose continue, des passages très fréquents à la ligne inscrivant le texte dans un rythme soutenu, pas ou très peu de ponctuation, comme pour que le temps s'écoule et glisse sous nos yeux.
Le texte abordé à la fois de manière très concrète le travail ardu et complexe des ouvriers agricoles avec son lot de beauté, de hasard, d'humilité face à la nature, mais aussi de manière introspective, les blessures du narrateur, par petites touches directes et sans emphase.
Cela crée un mélange assez particulier.
Si je n'ai eu aucun mal à lire cet ouvrage, je regrette de ne pas avoir été plus touchée par cette écriture, qui pourtant dit beaucoup.
Heureuse d'être sortie de ma zone de confort pour découvrir cette prose poétique et terre à terre.
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
un homme marche dans un verger…


un homme marche dans un verger

une source lente et brûlante gagne son visage

ses yeux s’emplissent de larmes, le vert des ramures se trouble

se mêle au bleu, à la fraîcheur de ce matin de mai

les chants d’oiseaux lui parviennent avec une telle acuité
qu’il recule de quelques pas pour se dérober aux mélodies
qui le percent

les artichauts poussent leurs têtes couronnées, le groseillier
ravit son fils chaque soir au retour de la crèche

quelques cerises même, avaient pu échapper au gel. Elles
se révèlent au regard et à la bouche grâce au rouge qui les
empourpre

ce bonheur trop soudain navre celui qui ne supporte plus son
propre regard

le rappelle à ces mois passés gorge obstruée, boule au ventre

cœur qui bave à la poupe
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le premier automne…


le premier automne, j’ai creusé trente trous pour planter les arbres de mon verger

après avoir décollé la couche d’herbe en la sarclant, je me saisis de la bêche et commence à retirer des mottes compactes. Je les arrache au sol et les rabats avec vitesse pour qu’elles se rompent, à côté du trou où elles retourneront lorsque j’aurai fini de les travailler et de les amender

l’essoufflement vient vite mais la colère perdure : elle se nourrit de cette profondeur qui s’offre au regard, de ces scarabées noirs et luisants interrompus dans leur songe qui accomplissent des gestes lents et inutiles, sans parler des larves grasses ni de cette molle ondulation qui les pousse en avant

tu constates qu’un lombric digère la terre qu’il traverse

toi, tu creuses jusqu’à ne plus pouvoir tenir debout

et tu n’épuises rien
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un peuple nu fait mine de dormir…


un peuple nu fait mine de dormir

dans le brouillard le faisceau d’une lampe de poche

cherche la chienne qui s’est enfuie

(elle poursuit le chat venu éventrer les poubelles cette nuit)

de loin, je dois ressembler à un phare embarqué sur un bateau
qui ne sait plus où est la côte, où est le large

dans quelques jours la nuit cessera, enfin, de gagner sur le jour

elle est si profonde ce matin que je ne crois plus en l’aube

c’est ainsi que l’hiver passe le mieux

l’atrabilaire s’exprime au-dessus d’un évier propre
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j'attends depuis dix jours…


j'attends depuis dix jours que les greffes prennent
ces élastiques, ce mastic, ces greffons préparés avec soin
me semblent un bricolage ridicule ce matin
Prométhée et Sisyphe ont été punis pour moins que ça
je mérite cette étrangeté qui me poursuit depuis plusieurs
mois. Je vais dans des librairies, des classes, j'explique
que mon dernier livre m'a réconcilié avec moi-même
et les inflexions de cette voix arborant sa quiétude ne
me ressemblent pas
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c’est toujours cette tentation, ce réflexe, d’ajouter des feuilles pour faire un peu d’ombre à nos certitudes 
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