Alors, écoute bien. Il existe un être qui n’a qu’une seule voix et qui, le matin, marche sur quatre pattes, le midi sur deux pattes et le soir sur trois pattes. Quel est cet être ?
Cela fait dix-huit jours que j'arpente les sentiers caillouteux de l’Attique, tâtant devant moi le sol de mon bâton d’aveugle. Tous m’ont abandonné quand j’ai été banni. Tous se sont éloignés avec horreur du pestiféré que je suis devenu. Tous, sauf ma chère Antigone qui m’accompagne sur le chemin de l’exil.
(incipit)
Moi qui étais promis à être roi de Corinthe, voici que j'allais régner sur une autre cité. Et tout cela parce que, à l'embranchement des routes de Daulis et de Thèbes, sans trop savoir pourquoi, j'avais pris ce chemin plutôt que l'autre....
Mes yeux blessés ne reverront plus jamais la lumière du jour vibrer sous le soleil de midi, l'or éclatant des blés avant la moisson, le vert argenté des oliviers ou la blancheur d'une maison de berger découverte au détour d'un chemin. [...]
La seule chose qui me reste est la mémoire de la beauté du monde. C'est un trésor qui m'empêche de tomber lorsque mon pied trébuche sur une pierre ou qu'un passant à qui je tends ma sébile refuse de me faire l'aumône.
C'est au lever du jour que mon angoisse s'apaisa. Je me préparais à partir lorsqu'une idée me traversa l'esprit. Puisque j'étais bien le fils du roi, comme l'avait sit la sybille, il me suffirait de ne jamais retourner à Corinthe pour que la prédiction ne puisse pas se réaliser. Oui, c'était le seul moyen de contourner mon destin, et je me fis aussitôt ce serment : jamais de ma vie je ne remettrai les pieds à Corinthe, jamais de ma vie je ne reverrai mes parents. Il n'y aurait ni parricide ni inceste puisque, tout simplement ce serait impossible.