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Critique de Franz


« et la mer se fait sommeil ».
Approcher Ursula le Guin par ses ultimes poèmes des décennies après avoir été marqué de manière indélébile par « La main gauche de la nuit » (1969) en particulier et le « Cycle de l'Ekumen » (1966-2000) en général rend l'autrice insaisissable et proche en même temps. Cette femme élégante, au beau visage intelligent, empreint de bonté et de profondeur voit clairement les années s'enfuir et se densifier, « gagner en gravité » à mesure que la durée de vie se raccourcit. Consciente de la mort qui vient, du corps dégradé : « ce naufrage rance de l'âge et des maux », la poétesse persiste et signe des poèmes apaisés, libres, nourries d'une vie longue et large, riche et ouverte, simple et attentive. L'ouvrage bilingue soigneusement traduit et mis en forme par l'éditeur Aux forges de Vulcain regroupe deux recueils : « Late in the day » (© 2016) et « So far so good » (© 2018). Etant personnellement quasi nul en traduction, je n'aurais pourtant pas choisi : « En fin de journée » pour le premier opus mais, en toute modestie, davantage : « Tard dans la journée ». C'est presque du mot à mot mais l'évocation de la montée des ombres est plus présente. Cette peccadille évoquée n'obscurcit en rien la qualité d'une traduction fine et respectueuse. Il faut bien dire que la poésie d'Ursula le Guin est évocatrice, attachée aux objets et aux lieux. Sensations et sentiments s'éploient avec une rare intelligence du coeur. le premier poème à ouvrir le bal est particulièrement suggestif : « le petit pilon indien de la maison d'Applegate » avec « son poids qui tombe en chantant ». D'autres textes s'émancipent, émeuvent, éclairent, à l'exemple de « Contemplation à McCoy Creek » où le temple est « l'endroit sacré entre les quatre coins du ciel qui emmurent la terre ». Enfin, « Sens inférieurs » met en avant, par la magie du verbe, la perception de la beauté par les autres sens humains jugés inférieurs à la vue : « Penser la beauté avec les yeux/c'est constamment oublier/la chaleur du feu/dans l'éclat de sa lumière/dans ses ondulations gracieuses ». Si ces trois poèmes sont inspirants, ils ne peuvent dissimuler les nombreuses pièces qui émaillent le recueil. Postface et postscript montrent la qualité de la réflexion de la créatrice que fut Ursula le Guin. Même si l'éditeur ne croit pas au génie de l'artiste, il faut reconnaître qu'Ursula le Guin a su insuffler un humanisme visionnaire à son oeuvre, tirant pleinement profit du travail et de l'état d'esprit de ses parents anthropologues.
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