Longtemps j'ai cru qu'il s'agissait d'un roman de
Science-Fiction.
Tout part d'une histoire vraie, celle de l'auteur, un américain de la quatrième génération.
En décembre 1944 le soldat Vonnegut est fait prisonnier dans les Ardennes. Début 1945 il est à Dresde lors du fameux bombardement
Enfermé dans un abattoir, il survit aux bombes. Les jours suivant il creuse les décombres à la recherche de corps. Schlachthof-Fünf ! Un nom aboyé qui résonnera longtemps dans sa tête.
Roman du Trauma ?
Cette tragédie,
Kurt Vonnegut ne parvient pas, même vingt ans après, à y retourner, fût-ce par écrit. du moins pas en personne. Alors il s'invente un double, Billy Pèlerin.
Il va rôder autour de l'épicentre de la tragédie, il va tracer autour d'elle des cercles concentriques, mais sans jamais y pénétrer vraiment. le livre s'achève alors que nous n'aurons même pas assisté à l'exécution de ce « pauvre Edgar Derby » fusillé pour une théière, dont l'annonce du triste sort est pourtant souvent rappelée.
Roman antimilitariste ?
Paru en pleine contestation de la guerre du Vietnam, ce récit, comme une histoire burlesque de la seconde guerre mondiale, éparpillé façon puzzle frappe certaines consciences américaines et occidentales. Les vétérans se reconnaissent dans son récit des atrocités de la guerre.
Parce qu'il serait irrespectueux à l'égard des soldats Américains morts, parce qu'il est « obscène » la contre-culture en fait un gourou.
Roman du temps ?
Le récit est soumis à un curieux effet de balancier qui rejette Billy Pèlerin dans le futur ou dans le passé aussitôt que le cours du récit l'amène trop près de la date fatidique.
Depuis son retour de Dresde, Billy Pilgrim est décroché du temps. À chaque fois il ignore sur quelle scène il débarque. Sa mémoire lui est inutile.
Quand le passé (la cause) et le futur (l'effet) n'existent pas, il n'y a plus de pourquoi.
Roman du tragique et de l'absurdité ?
La narration d'apparence aléatoire, qui fait s'entrechoquer scènes comiques, récits absurdes et anecdotes horribles, rythmée par la phrase concluant les paragraphes à chaque fois qu'ils évoquent un désastre : « C'est la vie » (« So It Goes »).
Ces trois mots scandent le roman à chaque page, comme un vers formulaire chez
Homère.
Plutôt « ainsi “va” la vie », introduisant une dynamique là où nous sommes paralysés par l'impossible recours à la causalité.
Roman de
Science-Fiction ?
Rien de bien SF dans ce récit, du moins de la SF « genrée »
Sinon l'introduction dans le parcours de Billy Pilgrim d'un épisode dans un zoo de la planète des Tralfamadoriens qui ont la particularité d'avoir une conception plus évoluée du temps, sautant d'une époque à une autre à tout moment, capacité appréciable pour supporter la condition de prisonnier de guerre, ou celle d'homme marié.
D'un récit qui commence par « Ecoutez, écoutez, Billy Pèlerin a décollé du temps » et qui finit sur trois notes d'oiseau : Cui-cui-cui ? », plein de bonnes idées, on pouvait attendre beaucoup.
Mais alors pourquoi me semble-t-il qu'il manque quelque chose pour en faire un chef d'oeuvre.
Une absence de vie intérieure typiquement wiquipedienne ?