La maison du vallon
Je suis allée hier au bout de mes années,
Au hasard d'un chemin, mon âme a respiré
Le souffle de la vie dont on parle au passé.
C'est au creux d'un vallon, une demeure ancienne,
Quelques lierres accrochés, là-haut dans les persiennes
Un jardin de curé et au bout un vieux chêne.
La porte vermoulue a crié sur ses gonds
Et la serrure rouillée pleurait au diapason
Du joli temps enfui, par delà les saisons.
J'ai remonté l'allée où le gravier crissait,
A l'ombre d'un tilleul, un instant arrêtée,
J'ai écouté courir le ruisseau d'à côté.
En douceur j'ai poussé la porte aux lourds battants
Il y avait encore là les clés de Grand-maman,
Quelques brassées de fleurs dans l'arrosoir d'antan.
Dans la salle à manger aux vieilles poutres noircies
Une table carrée, quelques dentelles jaunies,
Un vieux journal fané, "la Dépêche du Midi",
Le fauteuil de Grand-père aux accoudoirs usés,
Rivé au parquet devant la cheminée,
Ses contes à la veillée, instants d'éternité.
Et tous mes souvenirs glissent en ombres chinoises
Des semis de radis aux tartes à la framboise.
J'entends tomber la pluie et chanter les ardoises
Et je suis repartie sur la pointe des pieds
Courir comme autrefois sur le chemin mouillé
Dans l'odeur du sous-bois, le rose des églantiers.
La poussière fine et grise gardera mon empreinte
De la nappe à carreaux à la chandelle éteinte.
Dormez à tout jamais, n'ayez aucune crainte
Je veillerai sur vous.
Dans le miroir
Il y a des couleurs au miroir
De la tendresse et de l’espoir,
Tout ce que tu ne peux pas voir,
Des mots d’amour, une belle histoire.
Il y a des fleurs et le printemps,
Du ciel bleu et des océans,
Des îles rousses sous le vent,
De la lumière, des rires d‘enfants.
Une compagne sur le chemin
Qui te mènera vers demain
Une gomme pour tes chagrins
Quelques fêtes et du bon vin
Efface donc le tableau noir
Et désembue le miroir
Il te suffit juste d’y croire
Et de désemplir tes tiroirs.
Tu es à l’aube d’un voyage
Qu’on ne promet qu’aux enfants sages,
J’ai de la place dans mes bagages
Il est l’heure de quitter ta cage.
Retour à Paris
Samedi, rue de Rivoli,
Quand la pluie tombe sur Paris,
L’été prend ses quartiers d’hiver
Et moi j’ai le coeur à l’envers..
C’est aux gris trottoirs de la ville
Que mes pas oublient ton île
Mais j’ai la tête dans les étoiles
Et j’entends le vent dans tes voiles.
Assise là, sur un vieux banc
La main tendue aux passants
Une vieille femme édentée
Me fait signe et je m’assieds.
Elle me parle d’un autrefois
Qui ressemble à toi et moi.
Je ne veux pas finir comme elle
Juste attendre que la mort m’appelle
Je te promets qu’avant l’aurore
Je retourne à l’aéroport.
Interview de Annie Kubasiak-Barbier pour son roman "La poupée sur autoroute"