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Critique de Zora-la-Rousse


Une étude démontrait récemment que la science-fiction aidait ses lecteurs (souvent jeunes) à affronter la réalité du monde qui les entoure, à s'en rapprocher au plus près et à s'en saisir grâce à des notions scientifiques. On est bien loin du stéréotype de la lecture abrutissante ou déconnectée !
Avec Des fleurs pour Algernon, l'illustration du paradigme est parfaite : une expérience menée sur l'homme, après des essais concluants sur une souris, pour rendre un jeune « arriéré mental » plus intelligent. de ce point de départ, une réflexion fascinante est menée par l'auteur sur la déficience mentale, comme elle est perçue et vécue, sur l'intelligence, comment celle-ci est également perçue et vécue, sur la différence, sur l'amour, sur la vie en société, bref : sur la vie tout court.

Vous l'aurez compris, le point de départ du récit est tout simple : Charlie Gordon est un jeune homme dont le QI atteint à peine 70 et qui se voit proposer une opération chirurgicale qui le rendra intelligent. Pour suivre au mieux les progrès qui s'opèrent en lui et leur avancée, il tient un journal quotidien de ses journées.

« 3 mars - le Dr Strauss dit que je devrez écrire ce que je panse et que je me rapèle et tout ce qui marive a partir de mintenan. Je sai pas pourquoi mais il dit que c'est un portan pour qu'ils voie si ils peuve mutilsé. « 

Page après page, Charlie évolue, sans même sans rendre compte. Ses écrits s'étoffent, ses réflexions s'aiguisent, sa vie change ; tout comme sa perception, sa compréhension du monde qui l'entoure et des individus qui le composent. Et c'est ainsi que naissent en son esprit parallèlement à l'émergence de ces capacités nouvelles, l'incompréhension, puis une forme de lucidité amère sur les rapports humains. de même qu'il découvre le sentiment amoureux, affleure en lui des souvenirs enfouis lui révélant entre autres le désamour maternel dont il a été victime.

Des fleurs pour Algernon est un livre émouvant, et qui trouverait sa place je pense dans le grand programme annoncé d'apprentissage de l'empathie pour les jeunes (et moins jeunes). le regard porté sur l'handicap est d'une incroyable acuité et tristesse :

« Comme c'est étrange que des gens qui ont des sentiments et une sensibilité normaux, qui ne songeraient pas à se moquer d'un malheureux né sans bras, sans jambes ou aveugle, n'aient aucun scrupule à tourner en ridicule un autre malheureux né avec une faible intelligence. »

J'ai été plus particulièrement frappée par l'irruption du sentiment de honte dans le processus de maturation de Charlie, la honte de ce qu'il était, la honte dans les yeux de sa mère, dans les propos de sa soeur. N'est-ce pas un des sentiments les plus complexes et difficiles à vivre ? D'autant plus qu'elle naît là avec l'avènement de son intelligence, pour évoluer plus tard en une forme d'auto-compassion, une revendication même de la reconnaissance de l'individu Charlie en tant qu'être humain, à tout stade de sa vie ; ce qui m'a immanquablement fait penser à cette réplique déchirante du film de David Lynch : « I am not an animal ! I am a human being ! »

Un roman psychologique avant tout, touchant, poignant, avec son enveloppe SF qui nous protège quelque part. Et si tout n'était pas ni noir… Ça ne dépend que de nous.
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