L'homme qui quitte la terre est tel le sable qui ne tient plus au sol et s'envole. Il est dans le vent et dans les branches. Il est partout.
Je pourrais décider de ne jamais rejoindre Zagarand et d'errer comme les ânes devenus inutiles. Je pourrais décider de me coucher définitivement, le cœur contre la terre, guettant son dernier battement. Personne ne viendrait me relever. Liberté de continuer ou de cesser d'exister.
Les mots ont parfois des habits trop étroits pour exprimer la complexité, la subtilité, la finesse, la justesse de ce qui anime ton esprit. Tenter d'écrire, c'est s'approcher de la vérité sans jamais vraiment l'atteindre. Il reste toujours un flou, un lieu qui tremble, un espace qui a cependant la vertu de laisser sa place à celui qui te lit.
On dit qu'avant d'entrer dans la mer, une rivière tremble de peur. Elle regarde en arrière le chemin qu'elle a parcouru, depuis les sommets, les montagnes, la longue route sineuse qui traverse des forêts et des villages, et voit devant elle un océan si vaste qu'y pénétrer ne parait rien d'autre que devoir disparaitre à jamais. Mais il n'y a a pas d'autre moyen. La rivière ne peut revenir en arrière. Personne ne peut revenir en arrière. Revenir en arrière est impossible dans l'existence. La rivière a besoin de prendre le risque et d'entrer dans l'océan. Ce n'est qu'en entrant dans l'océan que la peur disparaitra, parce que c'est alors seulement que la rivière saura qu'il ne s'agit pas de disparaitre dans l'océ, mais de devenir océna.
Car les rêves inachevés sont des miroirs brisés. Le temps des songes est celui où tu te plongés en toi même au plus près de ta vérité. Interrompre ce temps c'est comme faire un croche pied à la connaissance de toi même.
Je suis un homme emmuré dans une citadelle de douleur.
Les pères croient en leur puissance. Mais le chemin d'une vie n'appartient qu'à celui qui la vit. Les fils sont libres, et c'est bien ainsi.
Et le père, chaque jour passant, apprend davantage l'humilité de son propre chemin. La place du père n'est pas devant le fils. Le fils doit marcher le regard large, sans être encombré du père.
Voir vraiment, ne pas simplement traverser un paysage, devrait s'apprendre autant qu'écrire,
compter ou lire.
Ici, il est proposé à chacun de tracer son chemin spirituel. Peu importent les sources et les codes, mais si tu oublies de tracer ce chemin, c'est un peu comme si tu n'étais pas allé explorer la face cachée de ton cœur. La spiritualité est un tiers lieu de nos vies. Une dimension qui s'ouvre et à laquelle chacun peut accéder quelle que soit sa condition.
Souvent les hommes la découvrent dans la douleur de la maladie, de la tristesse ou de la pauvreté. À Zagarand, par ce détachement matériel qui est une règle de vie, par leurs rites, par la culture de la relation à soi, aux autres, et à la nature, la spiritualité n'est pas comme une option, mais comme le moteur, l'étincelle de l'énergie vitale, le lieu où s'épanouit notre relation à tout ce qui vit.
J'envie presque l'assoiffé. Je voudrais être assoiffé pour ne plus penser à rien d'autre qu'à trouver de l'eau. Mais ma sécheresse est sans désir.
Devant ce paysage qui défile, hypnotique, je laisse mon esprit flotter entre deux sommeils.
Je sais qu'ensuite il faudra marcher.