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Citations sur Journal (159)

Quand on semble définitivement décidé à rester chez soi pour la soirée, quand on a mis un veston d'intérieur, quand on est assis après le dîner à la table éclairée, qu'on s'est proposé tel travail ou tel jeu qui précède habituellement le moment d'aller se coucher, quand il fait dehors un temps désagréable qui justifie tout naturellement le fait de rester chez soi, quand on est déjà resté si longtemps immobile à la table que partir maintenant provoquerait non seulement la colère paternelle, mais encore la stupéfaction générale, quand de plus l'escalier est déjà sombre et que la porte de la rue est fermée et quand, en dépit de tout cela, on se lève, mû par un malaise soudain, qu'on change de veste, qu'on apparaît sur le champ en costume de ville, qu'on déclare être obligé de sortir, qu'on croit laisser derrière soi une colère plus ou moins grande selon la vitesse avec laquelle on claque la porte de l'appartement pour couper court à une discussion générale sur votre départ, quand on se retrouve dans la rue avec des membres qui récompensent par une mobilité particulière cette liberté qu'on leur a procurée et qu'ils n'attendaient déjà plus, quand on sent s'éveiller en soi toutes les capacités de décision grâce à cette décision unique, (...) alors on est pour ce soir-là si entièrement sorti de sa famille qu'on ne le serait pas de façon plus convaincante par les voyages les plus lointains, et l'on a vécu une aventure qui, en raison de l'extrême degré de solitude qu'elle représente pour l'Europe, ne peut être qualifiée que de russe.
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Celui qui, vivant, ne vient pas à bout de la vie, a besoin d’une main pour écarter un peu le désespoir que lui cause son destin - il n’y arrive que très imparfaitement -, mais de l’autre main, il peut écrire ce qu’il voit sous les décombres, car il voit autrement et plus de choses que les autres, n’est-il pas mort de son vivant, n’est-il pas l’authentique survivant ? Ce qui suppose toutefois qu’il n’ait pas besoin de ses deux mains et de plus de choses qu’il n’en possède pour lutter contre le désespoir.
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A un certain niveau de connaissance de soi-même, les autres phénomènes secondaires étant favorables à l’observation, on en viendra invariablement à se trouver exécrable […] La boue qu’on trouvera sera là en son propre nom, on constatera qu’on est venu au monde tout dégouttant de ce mal et que, par sa faute, on repartira méconnaissable ou bien trop facile à reconnaître. Cette boue sera le terrain que l’on trouvera tout au fond, car le terrain le plus profond ne contiendra pas de la lave, mais de la boue. La boue sera tout en bas et tout en haut, et les doutes de l’auto-observation eux-mêmes ne tarderont pas à devenir aussi débiles et complaisants que les dandinements d’un porc dans le fumier.
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Les difficultés que j’ai à parler aux gens - difficultés certainement incroyables pour d’autres - viennent de ce que mon mode de pensée, ou plutôt le contenu de ma conscience, est absolument nébuleux, j’y suis installé - dans la mesure où cela dépend de moi - sans que rien me dérange et même avec satisfaction, alors qu’une conversation humaine exige un état aigu, de la consistance et une cohérence continuelle, toutes choses qui n’existent pas en moi. Personne ne consentira jamais à rester couché avec moi dans les brumes et y consentirait-il que je ne pourrais pas faire sortir le brouillard de mon front, entre deux êtres humains, il se liquéfie et se réduit à rien.
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« Tu es ainsi fait, dit l’un, mais au lieu de te plaindre, remercie Dieu, car si tu n’étais pas ainsi, tu serais plongé dans tel ou tel malheur, dans telle ou telle honte. » Et d’où cet homme sait-il cela ? Car il appartient, c’est ce que son jugement trahit, au même cercle que celui auquel il tient ce discours et son besoin de consolation est de même nature. Dans le même cercle, on ne sait jamais que les mêmes choses. Il n’y a pas un souffle de pensée qui puisse donner au consolant un avantage sur le consolé. C’est pourquoi leurs conversations ne sont que des alliances conclues par l’imagination, un trop-plein de désir se déversant de l’un sur l’autre. Tantôt l’un regarde par terre, tantôt l’autre suit un oiseau des yeux, c’est à l’intérieur de ces différences que leurs relations se déroulent. Il arrive qu’ils s’unissent dans la foi et qu’ils regardent, tête contre tête, vers des hauteurs infinies. Mais ils ne montrent une connaissance de leur situation que lorsqu’ils baissent la tête ensemble et que le marteau commun s’abat sur eux.
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Je hais tout ce qui ne concerne pas la littérature, les conversations m’ennuient (même si elles concernent la littérature), faire des visites m’ennuie, les joies et les peines des gens de ma famille m’ennuient jusqu’au fond de l’âme. Les conversations ôtent à tout ce que je pense le poids, le sérieux, la vérité.
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Le monde prodigieux que j’ai dans la tête. Mais comment me libérer et le libérer sans me déchirer. Et plutôt mille fois être déchiré que le retenir en moi ou l’enterrer. Je suis ici pour cela, je m’en rends parfaitement compte.
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Comme j’étais étendu sur le canapé et qu’on parlait fort dans les deux chambres contigües, voix de femmes à gauche, voix d’hommes en majorité à droite, j’eus l’impression que ces gens étaient des créatures sauvages, des nègres que rien ne peut faire tenir tranquilles, qui ne savent pas ce qu’ils disent, ne parlent que pour mettre l’air en mouvement, lèvent le visage en parlant et suivent des yeux les paroles qu’ils prononcent.
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Mais chacun sait où il en est, chacun peut lui énumérer tout ce qu’il souffre. Il reçoit au visage le souffle froid qui sort de ce cœur dans lequel il regarde avec la seconde moitié de son double visage, plus triste encore que l’autre. Il déménage positivement sans relâche, mais toujours dans les formes attendues. Plus il s’écarte des vivants,- vivants pour lesquels, et c’est bien là la pire des dérisions, il lui faut travailler comme un esclave conscient qui n’a même pas le droit de s’avouer pour tel, - plus un petit espace est jugé suffisant pour lui.
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Comme les acteurs m’ont paru meurtris après la représentation, j’avais peur de les effleurer d’un seul mot. J’ai préféré partir simplement sur une légère poignée de main, tant il m’était impossible d’exprimer mon impression vraie. Tout le monde m’a paru faux, à part Max qui a dit tranquillement quelques paroles sans contenu. Mais faux était celui qui se renseignait sur un détail indécent, faux, celui qui répondit par une plaisanterie à une remarque de l’acteur, faux, l’ironique, faux, celui qui commença à analyser ses impressions diverses, fausse, toute cette racaille qui, fort justement comprimée dans la profondeur de la salle de spectacle, se levait maintenant, tard dans la nuit, et redécouvrait sa valeur (très loin de la vérité).
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