Pour les Juifs, le mot Mutter est particulièrement allemand, il contient à leur insu autant de froideur que de splendeur chrétiennes, c'est pourquoi la femme juive appelée Mutter n'est pas seulement ridicule, elle nous est aussi étrangère.
Hier, il m'est venu à l'esprit que si je n'ai pas toujours aimé ma mère comme elle le méritait et comme j'en étais capable, c'est uniquement parce que la langue allemande m'en a empêché.
Je me suis écouté un instant de l'intérieur.
L'idée me vient de m'adresser à nouveau la parole.
Enfin, je tiens le mot -stigmatiser- et la phrase qui va avec, mais je continue à garder tout cela dans ma bouche avec dégoût et un sentiment de honte, comme si les mots étaient de la viande crûe, de la viande coupée à même ma chaire (tant cela m'a coûté).
Mais le bonheur, je ne pourrai l'avoir que si je réussis à soulever le monde pour le faire entrer dans le vrai, dans le pur, dans l'immuable.
Il nous est permis de prendre dans notre propre main la volonté, ce fouet, et de la brandir au-dessus de notre tête.
Tout est chimère, la famille, le bureau, les amis, la rue, tout est chimère plus ou moins lointaine, la femme ; mais la vérité la plus proche, c'est que tu te cognes la tête contre lu mur d'une cellule sans porte ni fenêtre.
Moments terribles ces derniers temps, impossible à dénombrer, presque ininterrompus. Promenades, nuits, jours, incapable de tout, sauf de souffrir.
Une vie qui passe inaperçue. Un échec qui se voit.