Le nouvea
u roman de Serge Joncour, "
Chaleur Humaine", est un pas de plus posé sur la terre de nos grands-parents. Comment définir nos attaches familiales sans aller à la rencontre de nos terroirs, ces paysages que l'on définissait jadis par un terme vaguement savant, le monde rural.
Était-il un monde en croissance ou un ensemble à la dérive, comme des territoires mal définis. Parfois on évoque la ville et le désert des campagnes, s'y ajoute le terme médical pour souligner le manque de médecins...
La médaille du bon ordre républicain revient à l'énarque qui découpa la France en territoires, quand les randonneurs nostalgiques du passé continuent d'acheter tout simplement les guides de nos provinces.
Du monde rural aux espaces désertifiés, Serge Joncour n'a pas campé son récit dans la tradition des villages glorifiés de plus beaux villages. Il a gardé sa
chaleur humaine en se portant à la rencontre des derniers mohicans encore ficelés à leurs investissements pantagruéliques que nécessiterait l'agriculture, ses productions modernisées et automatisées.
Porteur d'un message de bon sens, Serge Joncour est une fois de plus, touché par la richesse des apôtres du bien vivre et des amoureux de nos terroirs. Entretenu par sa connaissance de la nature, la délirante diversité des prairies, des plantes sauvages ou des forêts immortelles. Serge Joncour fait revivre ce présent souvent ignoré.
Les écrivains ou les poètes agriculteurs sont si rares et si peu connus, leurs visions du monde si marginales, que je souris quand des critiques les versent parmi les misanthropes. La modernité se moque des solitaires heureux qui marchent avec les renards ou qui se nourrissent de baies et de champignons.
La Fontaine avait au moins le bon goût de côtoyer ses modèles dans les parcs de nos châteaux.
Depuis
Chien Loup et malgré son humour décapant, notre écrivain national a construit avec
Nature Humaine, une oeuvre d'une puissance comparable à celle de
Pierre Michon dans
Vies minuscules. Mais c'est aussi la marque de fabrique de ce défenseur de la nature de ne pas esquiver les grands enjeux de notre société.
Quel écrivain est parti en guerre contre le géant NETFLIX ? Quelle autorité a imaginé d'expliquer la main mise des grands distributeurs sur les agriculteurs isolés. Aux uns de faire des promesses, aux autres de financer les hangars de jeunes bovins, pour ne rien gagner en retour ? Quel romancier a mis en lumière l'inutilité de telle construction d'autoroute ?
Crayssac est ce personnage symbolique devenu récurrent depuis «
Nature humaine » , qui nous interroge sur nos choix de société ? Pour Alexandre, Crayssac est un sage gardien des valeurs du passé, il est son confident, ils sont si peu nombreux à vouloir rester éleveur et paysan.
Cette fiction n'est pas un acte anodin d'un écrivain catalogué parfois comme le joyeux luron des papous dans la tête. Serge Joncour s'affirme comme un lucide connaisseur de l'évolution de nos campagnes capable de faire sourire les bio, autant que les orateurs de l'agriculture productiviste, et il devient livre après livre un témoin solide de l'effritement de nos campagnes.
Dans ce roman, toutes les tendances de l'agriculture de nos provinces se croisent et s'interpellent ; qui a raison de construire les éoliennes, qui en perçoit les nuisances ? Pas les citadins. Qui s'attache à maintenir la vie dans cette campagne isolée et à quel prix ? Alexandre, celui qui est resté à la ferme, est bien le seul à soutenir les grands parents au jour le jour. C'est lui pas ses soeurs qui veille sur eux.
Qui s'implique concrètement et efficacement contre le réchauffement climatique ? Les gardiens de la terre imposent leur capacité à affronter tous les enjeux de nos climats.
Alexandre a dû tirer un trait sur une possible vie en famille avec son amie Constanze. Il a tout perdu, pour rien. Alors oui quand arrive le covid à Paris, c'est lui qui sauve sa famille et ses trois soeurs, c'est vers lui qu'elles se tournent. Les opposants d'une vie à la campagne, lui demandent le gîte et le couvert..
La fin est comme un grand éclat de rire à l'égard de ces citadins si mal élevés et qui mendient auprès d'Alexandre un peu de sagesse.
Je bénis le Quercy de nous avoir fait rencontrer un conteur si imprégné par la vraie vie et par les vraies valeurs. Un conteur qui sait si bien nous faire rire , comme lorsqu' il pose cette question ? Pourquoi dans les manifs parisiennes les personnes arrêtées sont au trois quart des hommes, oui les femmes courent plus vite.