Alexandre élève des vaches aux Bertranges, la ferme d'en-haut, tandis que ses parents cultivent désormais des légumes un peu plus bas. le vivant et la nature sont au centre de leurs préoccupations, rythment leur quotidien. Quand le virus du COVID pointe le bout de son nez en 2020, passant d'épidémie lointaine à pandémie très concrète, leur relative tranquillité va se trouver bouleversée par la venue des soeurs d'Alexandre et de leurs familles. Ces derniers, désireux de ne pas passer le confinement enfermés dans leurs appartements, ont décidé de fuir la ville pour la campagne. Une cohabitation qui ne sera pas toujours simple, où chacun devra apprendre à vivre ensemble, et peut-être aussi réapprendre ce qui compte vraiment. Un retour à la terre salvateur, une terre qui rassemble.
Ce qui m'a le plus frappée au départ, c'est le clivage ville/campagne et le contraste entre ces deux modes de vie. D'un côté, nous observons la montée de l'angoisse dans les villes due à la pandémie, leurs habitants rivés sur l'actualité. de l'autre, nous avons ces ruraux qui sont habitués aux épidémies, notamment dans les élevages, et pour lesquels la COVID n'en est qu'une parmi tant d'autres. « J'en pense qu'ils nous ont pondu un Conseil scientifique et qu'il n'y a pas un seul vétérinaire dedans. Endiguer des épidémies, nous, on le fait à longueur d'année. » Une façon de nous rappeler que nous appartenons aussi à cette Terre, au même titre que le reste de la faune et de la flore.
D'un point de vue familial, on ne peut pas dire que l'ambiance soit au beau fixe. Alexandre ne côtoie plus ses soeurs depuis que ces dernières, il y a plusieurs années, ont vendu une partie des terres familiales à des promoteurs d'éoliennes, avant d'aller vivre leur meilleure vie en ville. Pourtant, les revoilà aujourd'hui, venues trouver refuge dans les terres de leur enfance. C'est la peur qui a conduit leur décision, et la peur est plus forte que le fait d'être en froid avec leur frère. Il faut dire que le climat est anxiogène, les médias alarment, alimentent cette peur, accentuent l'inhumanité et le sentiment d'oppression.
À travers différents personnages, Serge Joncour abordent des sujets sociétaux marquants, sans pour autant sombrer dans le cliché ou le jugement. Il nous livre aussi le récit d'un monde rural loin de l'image d'Épinal des publicités touristiques. Dans ce monde-là, les gens de la campagne ont des préoccupations qui paraissent bien lointaines à la plupart des habitants des villes. Dans ce monde-là, on constate chaque jour un peu plus les ravages du dérèglement climatique sur la biodiversité. Dans ce monde-là, la réalité des déserts médicaux nous heurte de plein fouet. Et quand on a pour seul médecin à des kilomètres à la ronde un vétérinaire, on s'estime déjà bien chanceux.
Malgré ces thématiques, c'est vraiment un beau roman, porté par des protagonistes attachants, comme autant de points de vue. Même Greg, pourtant navrant par bien des aspects, m'a souvent fait sourire. Il va sans dire qu'Alexandre est celui que j'ai préféré, avec son calme exemplaire, sa tolérance, sa bienveillance. Sous ses airs mutiques, c'est un homme pragmatique et affirmé, sur lequel on peut toujours compter. J'ai également aimé son amie Constanze, militante écologiste apaisée, et les personnes qui gravitent autour d'elle. Sans oublier les chiots fougueux et débordant d'amour, qui vont réunir malgré eux tous ces humains un peu perdus.
Cette lecture a été pour moi une véritable rencontre ! Une rencontre avec un auteur et sa plume, mais aussi avec un récit qui a immédiatement résonné en moi. Un récit que j'ai trouvé relativement bienveillant et empli de
chaleur humaine.
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Caroline - le murmure des âmes livres