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Critique de Matatoune


Avec Sa préférée, Sarah Jollien-Fardel propose le récit d'une victime qui dès son plus jeune âge à refusé de l'être par orgueil, peut-être, par dépit, sûrement, et avec une extrême vigilance, sans aucun doute.

Un roman comme un hurlement, où Jeanne, la narratrice, n'en finit pas de traîner la maltraitance de l'enfance oscillant entre colères tonitruantes et culpabilités invalidantes, et pourtant, elle était sa préférée !

Ce court roman se lit presque d'une traite, tant Sarah Jollien-Fardel maitrise son style tiré au cordeau sur le fil de nos émotions. de sa mère et de sa soeur, elle sera celle qui fut la plus préservée des coups répétés, des insultes salissantes, des violences extrêmes déchainées pour rien. Tout le monde savait, mais personne n'en a rien dit. le silence comme barrière infranchissable sur l'horreur !

Quand tout tourne autour du bourreau ! Quand l'air que le reste de la famille inspire est celui qu'il expire ! Quand tout s'arrête avec le bruit d'un moteur ! Quand … Que leur reste-t-il, sinon le dédoublement par le rêve. du moins, c'est la voie choisi par l'une d'entre elles. L'autre se noiera dans le regard des autres. Et elle, Jeanne, n'en finira pas de se défier pour ne pas sombrer.

Ainsi, Jeanne se veut ailleurs, profitant des rêves que lui inspirent les livres. Les études, puis la transmission de son savoir seront sa fuite. Seulement, celles qui restent payeront trop chers le prix de sa liberté. Et cette connaissance-là sera autant de gouffres qu'il lui faudra franchir pour continuer à cheminer, propre à l'extérieur et ravagée de l'intérieur.

Sur le souhait d'oublier le passé au prix d'étouffer tous désirs, Jeanne sait faire ! A vouloir le renier, elle ne cesse de se mentir. Sarah Jollien-Fardel sait nous rendre voyeur de cette destruction qui, des années après les sévices, impacte tous les interstices d'un chemin de vie à jamais douloureux.

Pardonne-t-on à son bourreau ? Et, pourtant, Sarah Jollien-Fardel met son héroïne dans cette question entrainant vers d'autres abandons, jusqu'à la fin du roman.

Et quelle fin !

Les paysages tiennent une place importante. Les montagnes du Vallais en Suisse deviennent au fil du roman après avoir été le lieu de l'emprise, une ancre, un territoire apaisé. Lausanne, où Jeanne s'enfuira, s'ouvre sur le monde avec la présence du lac où la narratrice aime s'y plonger, comme le liquide amniotique de sa renaissance.

Sarah Jollien-Fardel, journaliste suisse, a longtemps muri ce roman. Et, puis, un jour, les premières lignes devinrent une évidence. Rien n'a été révélé sur la ressemblance de l'écrivaine avec Jeanne, mais son engagement dans des associations de femmes battues dit plus que toutes les confidences non dites.

C'est par cette fiction terriblement maîtrisée que Sarah Jollien-Fardel, mieux qu'un documentaire, montre les difficultés à se construire lorsque les racines se développent sur le terreau de la violence, des cris et des coups.

Sa préférée a déjà reçu le Prix Fnac 2022 et est encore en lice pour le Goncourt. Qu'importe car sa lecture ne peut laisser personne indifférent ! A découvrir sans tarder…
Lien : https://vagabondageautourdes..
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