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Critique de beatriceferon


Une femme pousse timidement la porte de la brasserie « Le Belle Vue » à Liège. A part le barman, personne. Assise dans un coin, elle garde l'oeil rivé sur l'entrée. Puis, après quelques minutes à peine, quitte l'établissement à pas pressés.
Un peu plus tard entre un homme qui balaie la salle du regard. Il reste stupéfait devant l'horloge. Quoi ? C'est l'heure juste ? On est passé à l'horaire d'été ? Il l'avait oublié et a raté son rendez-vous !
Élise Dubois va-t-elle devoir finir ses jours comme bonne à tout faire dans la famille de sa soeur ? A-t-elle laissé filer sa dernière chance ?
Février est, dit-on, le mois le plus froid de l'année. Et pourtant, je vous garantis que je l'attends avec impatience. La parution du nouveau roman d'Armel Job contribue à le réchauffer et je m'assure de pouvoir m'y plonger le jour-même de sa sortie. « Sa dernière chance » raconte l'histoire d'une famille, en apparence bien lisse et bien convenable, mais qui cache des secrets plus ou moins inavouables. C'est tout ce que j'aime.
En 2016, « Benoît Michiels, le reporter de la Dernière Heure » interroge des témoins de l'affaire Élise Dubois, qu'il compte relater dans « son célèbre recueil de faits divers "Récits des bas-côtés" » Comment ? Il y a une affaire Élise Dubois ? A l'époque des faits, en 2009, cette presque quadragénaire a donc vécu quelque chose d'assez extraordinaire pour être consigné dans un livre. Et pourtant, elle ne paie pas de mine, cette Élise. On la dit timide, fragile, réservée, voire dépressive.
Depuis longtemps, elle vit quasiment recluse dans la maison de sa soeur et s'occupe de toutes les tâches du ménage . Mais ne dit-on pas qu'il faut se méfier de l'eau qui dort ? Un jour, Élise va sortir de sa chrysalide et surprendre tout le monde.
Dès les premières pages, on peut se la représenter en la suivant au Belle Vue. « Elle se tortillait sur sa chaise (…) Elle ne savait quelle contenance adopter » Lorsqu'elle parle, elle « souffle » ou « murmure ». Mais, en sortant, « d'un air bravache inattendu, elle déclara, haussant le ton (…) : "Vous avez raison, cela ne vous regarde pas !" » Et on soupçonne alors une autre Élise qui n'est pas du tout cette pauvre petite chose qu'on imaginait. Au cours de l'histoire, Armel Job précise son évolution, mais ne s'arrête pas en si bon chemin. Il trace de chacun des protagonistes des portraits qui sont parfois au vitriol.
« La soeur d'Élise Dubois, la doctoresse Marie-Rose Dubois, était – et est toujours – une personne unanimement appréciée ». Mais cette mère de famille nombreuse ne s'occupe finalement de sa progéniture que pendant une semaine par an, s'étonne que la petite dernière, quand elle a un chagrin, se réfugie dans les bras de « tatie Lise » et traite sa soeur comme une bonniche (du XIXe siècle) ou une gamine  : « Enfin ! Où étais-tu ? (…) Je te les confie, tu es responsable ! Où étais-tu passée, bon sang ? », lorsque Élise s'absente, pour une fois, pendant une après-midi.
Le respectable antiquaire fait du trafic d'oeuvres d'art et roule ses clients. « Je vous le ferai au prix qu'il m'a coûté. Je ne veux rien gagner dessus (…) Disons mille huit cents euros. » Alors qu'en réalité « il avait donné quinze cents ».
Quant au chanoine, il ne se comporte pas de façon très catholique, c'est le moins qu'on puisse dire ! Dans une église, face à une statue de la Vierge, « un Ave lui traversa l'esprit, mais il aurait tout aussi bien pu réciter l'alphabet ». Ce qui l'intéresse, c'est l'esthétique de cette oeuvre. « Qu'est-ce qu'il aurait donné pour descendre la statue de son autel (…) Pour l'emporter, la posséder, pouvoir s'en repaître les yeux chaque jour. » Et devant un précieux reliquaire en argent, dont « malheureusement, la relique a disparu », il réplique : « Aucune importance. Un morceau d'os, un bout de couenne : sans intérêt ! » Étonnant pour un homme de foi, et on n'est pas au bout de ses surprises.
Le portrait-charge le plus décapant, c'est celui du très sélect agent immobilier. Lorsqu'il se prend pour James Bond, « avec un spasme de plaisir cruel, il voulut lui mettre le Luger sous le nez. Malheureusement, la pointe du guidon au bout du canon accrocha la doublure de la poche, si bien qu'avec le pistolet, il entraîna la moitié de sa veste qui se souleva jusqu'à son menton dans un craquement sinistre. » Elles sont nombreuses les situations cocasses (pour le lecteur) dans lesquelles s'empêtre cet imbécile d'Édouard
De l'intrigue proprement dite, je ne révélerai rien, sinon qu'elle est à multiple détente et que, finalement, on est toujours surpris.
Une petite remarque cynique pour la fin ? « Il avait peut-être envisagé un moment d'escroquer une femme ; fouiller dans son sac, il ne se le serait jamais permis. »
Si vous aimez les ambiances, le jeu de cache-cache de l'être et du paraître et les petits secrets bien méprisables dans les bonnes familles bourgeoises, n'hésitez pas, vous ne serez pas déçus.
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