Ubu sur la butte trompe. On croit découvrir un nouveau volet des aventures de celui qui fut roi, cocu et esclave, se demandant quel autre tourment aura été jugé bon de lui infliger, et on se retrouve finalement avec une version accélérée d'
Ubu Roi. La notice coupe court à nos rêveries sadiques : "Cette "réduction en deux actes d'
Ubu Roi" est bien une nouvelle version, pour Guignol, des cinq actes de 1896 puisque Jarry réemploie ici, avec de notables variantes, les scènes suivantes du texte complet d'
Ubu Roi : I, VI; II, V; III, II et VIII, IV, III, IV, V et VI; V, I et IV".
Certes, quelques changements notables sont à relever puisque la condensation exige des raccourcis, l'élimination de nombreux personnages et donc des dialogues coupés ou résumés. Voilà qui est flatteur pour les acteurs: messieurs, une marionnette n'arrivera jamais à votre hauteur, ce pourquoi
Alfred Jarry a cru bon de devoir couper en long, en large et en travers. Voilà qui est déstabilisant pour le monarque : un roi passant en accéléré ne serait-il donc rien d'autre qu'un Ubu sur la butte ? Et la butte, à cette vitesse-là, aura tôt fait de s'effondrer.
En complément à
Ubu Roi, cette pièce n'est toutefois pas négligeable. L'accélération même du rythme donne lieu à des scènes grotesques qui finissent de déstructurer le fil ténu de la logique qui sous-tendait la pièce dans sa version longue. On s'emporte, on se bat, on tue et on meurt comme s'il le fallait à tout prix, pour respecter les nécessités d'une intrigue épique. Les marionnettes représentent le degré zéro de la liberté et tuent en Ubu les derniers relents d'une conscience vive dont nous avions déjà commencé à douter dans les pièces précédentes.
"LES MEMES. Entre l'OURS.
LASCY: Oh! Monsieur Ubu!
PERE UBU: Oh! Tiens, regarde donc le petit toutou. Il est gentil, ma foi.
LASCY: Prenez garde! Ah! Quel énorme ours.
PERE UBU: Un ours! Ah! L'atroce bête. Oh! Pauvre homme, me voilà mangé. Que Dieu me protège."
Ubu en marionnette serait une caricature parfaite de nos terreurs et de nos erreurs humaines -s'il ne passait pas aussi fugacement dans le paysage.
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