Plus je lis, et plus je change. Plus mes lectures sont variées, et plus j'acquiers la capacité de percevoir le monde de multiples points de vue.
Il arrive aussi, toutefois, que je reconnaisse l'intelligence d'un écrivain ou la fluidité et l'élégance de son style, mais que je ne ressente pas grand-chose de plus. De tels livres semblent s'évaporer presque immédiatement après que je les ai lus, sans doute parce que la mémoire est consolidée par l'émotion. Les expériences d'émotion intense s'attardent dans l'esprit; les tièdes, non. Les grands livres, à mon avis, se distinguent par une urgence dans le récit, une nécessité que l'on peut sentir viscéralement. La lecture n'est pas une activité purement cognitive consistant à déchiffrer des signes; c'est l'entrée dans une danse de significations dont les résonances vont bien au-delà de ce qui n'est qu'intellectuel.
Quand votre bébé pleure, il vous faut aller vers lui, le prendre, le bercer jusqu'à ce qu'il se rendorme.
La lecture se passe dans le temps humain, dans le temps du corps, et elle participe du rythme du corps, des battements du coeur, de la respiration, des mouvements de nos yeux et de nos doigts tournant les pages, mais nous ne prêtons à rien de tout cela une attention particulière.
Je ne veux pas suggérer que la création artistique est irréfléchie et dépourvue de contenu intellectuel. Tout ce que sait l’artiste est amené à peser sur l’œuvre elle-même, mais certains aspects de ce savoir demeurent cachés. Ils habitent la mémoire corporelle, qui s’efforce d’atteindre une représentation ressentie comme juste – verbale, musicale ou visuelle.
Ne fais rien que tu n'aies pas réellement envie de faire.