Je découvre
Nancy Huston avec "
Lignes de Faille", roman découpé en quatre parties où s'expriment dans chacune d'elles, un enfant de six ans. Outre les liens du sang, Sol, Randall, Sadie et Erra partagent un quotidien empreint de la violence des Hommes et une époque marquée par leur folie, à travers les grands conflits mondiaux et les massacres.
Sol, en 2004, vit la guerre en Irak à travers les écrans d'ordinateur.
La banalisation de la violence dans les medias et la facilité d'accès aux supports qui la permette, finissent par la rendre aux yeux du petit garçon, triviale, irréelle et même jouissive. L'auteure amplifie l'horreur en plaçant Sol dans une époque où l'enfant est surprotégé et maintenu, dans son quotidien, loin de toute violence verbale ou physique. L'amérique massacre des irakiens mais élève les enfants de ses classes moyennes dans des cocons économiques et sociaux, et avant tout, dans l'amour de Dieu.
Le père de Sol, Randall, vit en 1982, une tragédie familiale, tandis que son père, ingénieur, travaille sur des projets robotiques. le petit garçon s'inquiète de l'effort patriotique, exigé de
Ronald Reagan de tout citoyen américain, fourni par son père, pour écraser les iraniens dans le conflit secouant le moyen-orient.
Nancy Huston évoque dans ces deux premiers chapitres, la manipulation des masses par la sphère politique pour cautionner les conflits, sous prétexte d'un patriotisme exacerbé, conflits dissumulant le plus souvent des intérêts économiques et financiers.
Dans la troisième partie consacrée à Sadie, la mère de Randall et grand-mère de Sol, l'auteure évoque la solitude d'une petite fille face à l'absence de sa mère, qui n'est pas sans rappeler son histoire personnelle. En effet, Nancy Houston a six ans quand sa mère part refaire sa vie ailleurs. Elevée par ses grand-parents, la petite Sadie mène une vie triste et routinière. Sa vie ne s'éclaircit que lors des rares visites de sa mère, chanteuse populaire, happée par le domaine artistique pour lesquel les grand-parents n'expriment que du mépris.
Enfin, dans la quatrième partie, 1944-1945, l'auteure livre la clé de l'histoire familiale. Car au delà de ce qu'elle dénonce à travers le vécu des petits protagonistes, elle reconstitue le déroulement des événements depuis l'enfance d'Erra, arrière grand-mère de Sol, maman de la petite Sadie. La source des rancunes, le secret des origines, la psychologie des personnages se découvrent ici et les choix passés s'expliquent, alors que le contexte est le plus lourd. En effet, la guerre touche au plus près la petite fille, bouleverse son destin et forcément impacte celui de ses descendants.
Ce roman, portant sur la filiation, sur l'enfance ravagée par les choix individuels et collectifs des adultes, me permet de découvrir l'écriture, très fluide, très subtile de Nancy Houston et m'a donné envie de continuer la découverte de son oeuvre.