Villac
Puis monsieur veut créer ! inventer ! Insolent !
Créer après Garnier ! après le Théophile !
Après Hardy ! Le fat ! Créer, chose facile !
Comme si ces esprits fameux avaient laissé
Quelque chose après eux qui ne fût pas usé !
Chapelain là-dessus le raille d'une grâce !
Rochebaron
Corneille est un croquant !
Didier
Vous m'aimez ! Prenez garde. Une telle parole,
Hélas, ne se dit pas d'une façon frivole.
Vous m'aimez ? Savez-vous ce que c'est que l'amour ?
Qu'un amour qui devient notre sang, notre jour,
Qui, longtemps étouffé, s'allume, et dont la flamme
S'accroit incessamment en purifiant l'âme,
Qui seul au fond du coeur, où nous les entassions,
Brûle les vains débris des autres passions !
Qu'un amour, à la fois sans espoir et sans borne,
Et qui, même au bonheur, survit, profond et morne !
Dites, est-ce l'amour dont vous parliez ?
Savez-vous,
Vous dont l’œil est si pur, dont le front est si doux,
Savez-vous ce que c'est que Marion de Lorme?
Une femme, de corps belle, et de cœur difforme,
Une Phryné qui vend à tout homme, en tout lieu,
Son amour qui fait honte et fait horreur!
Et en effet, dans les dernières années de la restauration, l’esprit nouveau du dix-neuvième siècle avait pénétré tout, reformé tout, recommencé tout, histoire, poésie, philosophie, tout, excepté le théâtre. Et à ce phénomène, il y avait une raison bien simple : la censure murait le théâtre. Aucun moyen de traduire naïvement, grandement, loyalement sur la scène, avec l’impartialité, mais aussi avec la sévérité de l’artiste, un roi, un prêtre, un seigneur, le moyen-âge, l’histoire, le passé. La censure était là, indulgente pour les ouvrages d’école et de convention, qui fardent tout, et par conséquent déguisent tout ; impitoyable pour l’art vrai, consciencieux, sincère. Ainsi la censure tenait l’art en échec devant le théâtre. Vidocq bloquait Corneille.
Extrait de la préface.
Seul, à vingt ans, la vie était amère et triste.
Je vis les hommes, et j’en pris
En haine quelques-uns, et le reste en mépris ;
Car je ne vis qu’orgueil, que misère et que peine
Sur ce miroir terni qu’on nomme face humaine.
Si bien que me voici, jeune encore et pourtant
Vieux, et du monde las comme l’on est en sortant;
Ne me heurtant à rien où je ne me déchire ;
Trouvant le monde mal, mais trouvant l’homme pire