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Critique de talou61


Une transition conservatrice,

C'est ainsi qu'un historien Emmanuel le Roy Ladurie, a qualifié la période de la Régence ; une période historique française de 1716 à 1723 durant laquelle Philippe d'Orléans, le neveu de Louis XIV, assure l'intérim du pouvoir entre la mort de Louis XIV et son propre décès, durant la minorité du futur Louis XV.

La Régence est le dossier du magazine Historia du mois de décembre 2023 : présenté comme les succès et scandales de cette époque, je l'ai perçu plutôt comme une réhabilitation de ce régime !

Le plan du dossier ::
- 1715-1723 : succès et scandales
- glossaire : les mots pour comprendre
- un prince à deux visages
- l'ordre c'est la paix
- défié, jamais battu
- les pamphlets contre Philippe d'Orléans
- un roué certes, mais pas seulement
- tel père, telle fille !
- économie, la révolution manquée
- et les Lumières furent !

L'introduction présente l'année 1715 comme celle d'une rupture. A un vieux roi, pieux succède un prince presque ouvertement athée. A un roi austère, suit Philippe d'Orléans qui fréquente les actrices de l'Opéra, abandonne Versailles pour Paris, change la forme du gouvernement (en remplaçant les ministres par des conseils), et se rapproche de l'Angleterre.

Le glossaire (page 22 à 25) assez complet et une mini-chronologie très utile sont aussi insérés.

Le prince aux deux visages présente Philippe d'Orléans comme un enfant ayant reçu une éducation complète par l'abbé Dubois, un militaire courageux dès l'âge de 17 ans, et qui s'ennuie sous les ors de Saint-Cloud et du Palais-Royal. Celui qui accumule les maîtresses (ses préférences allant vers les actrices et les danseuses de l'Opéra, avant de leur préférer des femmes de l'aristocrate sous la Régence !) ; mais aussi cet homme qui organise des "petits soupers" avec ses invités surnommés "les roués" qui défraient la chronique, car atypiques.

Un Prince cultivé, féru de musique et de peinture, raffiné et sensible, curieux de tout, soucieux de restaurer la puissance du royaume, ardent au travail, mettant en oeuvre des réformes audacieuses, éprouvant une vive affection pour le jeune roi, joueur de plusieurs instruments et compositeur de plusieurs opéras !
Un homme indolent qui révèle ses qualités, une fois arrivé au pouvoir.

J'ai trouvé ce portrait particulièrement tendre et même idyllique où son arrivée au pouvoir (par le rejet du testament de Louis XIV avait désigné son fils légitimé, le duc du Maine) est très peu abordé et expliqué…

Tant qu'au système inventé par l'économiste John Law et son effroyable effondrement (en 1720), il est présenté comme une réussite !

Même si certains articles précisent que Philippe d'Orléans supprime le gouvernement collégial de conseilleurs (dès 1718) et revient sur un Conseil de ministres, dépossède les enfants bâtards de Louis XIV et de la marquise de Montespan de leur qualité de prince du sang, et interdit au Parlement de se réunir (alors que cette institution avait permis au prince d'accéder au pouvoir en cassant le testament de Louis XIV), le magazine présente une image un peu trop parfaite du personnage !

J'ai apprécié l'article (bien trop court) sur les pamphlets contre Philippe d'Orléans où on peut constater que les manuscrits hostiles au Régent sont virulents : le traitant de tyran, d'empoisonneur, désirant le titre et le pouvoir de roi, incestueux, et souhaitant sa mort !

Une légende noire qui survit jusqu'à nous, comme le démontre le film "Que la fête commence" de Bertrand Tavernier en 1975 ou le roman d'Eve de Castro "Nous serons comme des dieux" paru en 1996.

Entre légende noire et légende rose, j'aurais aimé lire des articles un peu plus fouillés et neutres !

Et même si la correspondance avec notre propre époque n'est pas de mise, j'ai trouvé étonnant que l'économiste Law propose de supprimer toutes les impositions existantes pour les remplacer par un impôt foncier unique !

Un article très intéressant montre que sous la Régence, les premiers signes d'une révolution des esprits incarnés par Fontenelle, Montesquieu ou Voltaire, annoncent les Lumières !

Enfin, un article propose de décrire cette période historique comme un despotisme éclairé, un réformisme prudent qui prend des mesures de rationalisation administratives, scientifiques ou d'urbanismes, où "les voies d'autorité" reculent.

Mais, il ne faut pas oublier que ce ne fut qu'une parenthèse "enchantée" pour certains, et non le début de l'écornement de la monarchie : il faut penser au supplice de Damiens (écartelé en 1757) et aux exécutions de Calas (1761) et du chevalier de la Barre (1766)…

L'ancien Régime avait de beaux jours devant lui !

J'ai apprécié un article économique sur le sport national qui est de frauder le fisc (!) même si j'ai regretté que la partie sur la Révolution française ne soit pas plus développée. On y apprend que ces gabegies ne sont pas récentes, mais datent du XIXe siècle avant JC !

Une critique du film "Napoléon" de Ridley Scott m'a convaincue de ne pas aller voir cette épopée, même si le décompte des morts présenté comme le bilan napoléonien me plait !

Bref, un magazine assez complet, instructif, bien que partial !
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