Ça me rappelle cet article que j'avais trouvé dans l'un des magazines de psycho qui traînent toujours au salon. Ça m'avait marquée. L'article disait qu'on reproduisait souvent ce que font nos parents pour les excuser inconsciemment, ou légitimer leur conduite.
(p. 122)
Même si aujourd'hui, pas lassitude ou par découragement, mon envie de savoir est un peu moins désespérée, je crois que je lui en voudrai toute ma vie [à ma mère] de me priver de ça [connaître mes grands-parents maternels]. Je n'ai déjà pas de père. Elle devrait comprendre que j'ai besoin de quelque chose à quoi me raccrocher. Quelque chose qui m'aide à me construire, à savoir que je ne suis pas qu'une ado élevée par une mère célibataire dans la banlieue de Lille.
(p. 13)
** /!\ spoil **
...
...
...
...
...
...
...
- [...] je n'ai pas plus de raisons de me sentir fière d'être la petite-fille d'une déesse que d'avoir honte d'être celle d'une pute.
Parfois, j'ai l'impression que ma vie est comme un tricot raté : tout effiloché, avec des morceaux manquants.
- Pourquoi maintenant ? Pendant seize ans, je ne vous intéresse pas et puis, un matin, vous vous levez en vous disant : « Tiens, après les courses au supermarché, si on débarquait dans la vie de notre petite-fille ? » Et d’abord, comment saviez-vous que j’existais ?
- On ne savait pas, on espérait.
Il me tend un petit carnet rouge, recouvert de papier lokta.
- Prends. C’est pour toi.
Ses yeux se voilent. Je le regarde sans comprendre.
- Sajani est morte il y a quelques mois. Un cancer. Elle pensait que si elle avait des petits-enfants, ils voudraient peut-être en savoir plus sur leurs origines. Elle caressait l’idée de rester vivante dans la tête de quelqu’un d’autre. Comme… comme dans une vraie famille.
J’ouvre le cahier. Sur la première page, deux petites phrases écrites en lettres régulières sur du papier brun.
Je suis Sajany Shakya, douzième Kumari royale de Katmandou. Et, quoi qu’il se passe, je le resterai toute ma vie.
Ça fait seize ans que je me demande qui je suis... seize ans que ça hurle à l'intérieur de moi. Alors la vérité, je la voulais.
Je lui explique qu'un vrai sari hindou est toujours drapé, jamais cousu parce que, sinon, il est impur
Aujourd'hui, tout a changé. Entre les pages d'un mystérieux carnet rouge, je viens de découvrir une vérité que je n'aurais jamais pu imaginer
Je n'étais pas une divinité, je lui prêtais simplement mon enveloppe corporelle.
J'imagine ma pauvre grand-mère de quatre ans au milieu de ces têtes coupées, de cette odeur métallique de sang, et ça me donne envie d'enfoncer les immenses portes sculptées pour courir la chercher.