« Chère Susan,
Je m'appelle Tatyana Alymkul, mais tu m'as connue sous mon nom russe, Tatyana Izvitkaya. Peut-être te souviens-tu, nous nous sommes rencontrées à Helsinki en 1982. »
Quand Sue reçoit cette lettre, cela fait 30 ans qu'elle n'est plus la star américaine du saut en hauteur qui pulvérisait le record mondial avec 2m09 .... Cette lettre va remuer des souvenirs et changer son quotidien.
Dans son roman,
Jean Hatzfeld met en scène quatre athlètes de très haut niveau: deux haltérophiles et deux sauteuses en hauteur, qui se sont mutuellement affrontés au nom de leur pays respectifs : les États- Unis pour Randy et Sue, l'URSS pour Chabdan et Tatyana.
Nous sommes en pleine guerre froide et, au même titre que la course à l'espace, les compétitions sportives et les JO en particulier sont un terrain de prédilection pour mettre en avant la puissance des deux États concurrents. Pas question de se faire battre par « les Rouges », hors de question que « l'impérialisme américain » l'emporte . Les entraîneurs sont là pour pousser les athlètes à se dépasser, quitte à avaler quelques petites pilules miracles ...
La politique l'emporte aussi parfois : les Américains boycottent les JO de Moscou en 1980 (à cause de l'invasion de l'Afghanistan) et les Russes, en réponse, ceux de Los Angeles en 1984. Deux occasions ratées pour nos 4 athlètes de se rencontrer. Hatzfeld était encore journaliste sportif à l'époque et a couvert pour Libération les JO de Moscou sous haute tension. le récit de la cérémonie d'ouverture est en fait son propre article de l'époque.
Le roman rappelle aussi que sous l'unité de façade, l'URSS comptait des républiques soumises et brimées comme celle des Kirghizes à laquelle appartiennent nos 2 sportifs « russes ».
A côté de ce contexte politique, l'intérêt du roman réside dans le regard à la fois très précis et très poétique que porte l'auteur sur ses athlètes . On sent qu'il connaît et admire l'univers de ces sportifs de haut niveau, le travail répété encore et encore, la gestuelle, les sensations , la puissance et la force physique de l'haltérophile, la grâce et la légèreté aérienne de la sauteuse. Dieux du stade à une époque, stars déchues, usées et souvent malades de trop d'efforts et trop de produits dopants..
Enfin le roman est une belle célébration de l'amitié , dans la nature sauvage du Kirghizistan, auprès des chevaux et des moutons.
On s'attache à ces personnages plus vrais que nature et j'ai pris beaucoup de plaisir à ma lecture. Qui aurait cru que l'haltérophilie me semblerait presque poétique !
Merci à Gwen21 d'avoir attirer notre attention sur ce roman dans le cadre du Challenge solidaire !