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Critique de Seraphita


Un homme voyage dans un train vers la ville, un lieu inconnu de lui jusqu'alors. Il erre puis s'écroule, inconscient, devant un hôpital. Des infirmières, des médecins, vont prendre soin de lui. Si l'homme voit sa santé physique s'améliorer, il refuse pour autant de parler. Une infirmière, Safta, va nouer un lien particulier avec lui. Elle l'a en effet reconnu : cet homme s'appelle Augustin, c'était le fils de la cuisinière de ses parents quand ils vivaient dans leur grande maison à Poiana, entourés de tout un cortège de domestiques. Et elle sait qu'Augustin est sourd-muet. Alors, patiemment, elle s'efforce de renouer le fil avec cet homme qui la relie à un passé révolu. Ce fil, c'est le dessin, le seul moyen pour lui de communiquer avec les autres, mais surtout avec lui-même, et de remettre un peu d'ordre, de la cohérence dans tout ce qu'il perçoit. Remettre du sens là où le monde lui paraît bien absurde. Car cette ville est située en Roumanie et l'intrigue se déroule peu de temps après la seconde guerre mondiale, sous la férule communiste.

Ce roman déroule son intrigue en se calquant d'abord sur les perceptions d'Augustin, amputées d'une strate de réalité, celle des sons. le rythme est donné dès le début, celui de la lenteur, du silence, d'une observation minutieuse du réel basée sur la vue. Cette tonalité particulière est séduisante, au départ. Dans cette lenteur, c'est toute une retenue, un tact et une pudeur que l'auteur fait jaillir, au détour des mots, et l'on parvient à pénétrer dans la réalité d'Augustin. C'est comme si les mots de l'auteur, dans leur concision extrême, parvenaient à décrire l'absence de sons et l'impossibilité de cet homme à communiquer verbalement. Mais c'est avant tout dans le regard de Safta qu'Augustin parvient à peindre le silence qui l'environne et à lui donner des contours. Ce regard, la jeune femme a appris à l'aiguiser dès son enfance : « Un rayon de soleil, le foin doré, des grains de poussière en suspension ; mais il resta là, morne, les bras ballants, les yeux rivés sur le plancher. Il refusait de lever les yeux, même pour Safta. Il avait ce pouvoir – lorsqu'il ne regardait pas, le monde n'existait pas » (p. 52).
Si la lenteur permet d'installer un climat particulier, une strate de réalité singulière, et semble fascinante au début, elle lasse cependant assez vite, car ce rythme perdure tout au long du roman. de majestueux, le climat devient vite lourd tant les épisodes passés (qui alternent avec l'intrigue au présent) sont dramatiques, d'autant qu'Augustin ne peut donner sens à ce qui se passe autour de lui.
Au final, « L'Homme sans mots » me laisse un goût mitigé, entre beauté fascinante du silence qui jaillit sous le pinceau des mots, et monotonie, pesanteur d'ensemble, le tout dans des décors dépeints de manière sublime.
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