"C'était au temps où j'errais,
la faim au ventre, dans Christiana, cette ville singulière que nul ne quitte avant qu'elle lui ait imprimé sa marque "
Une fois n'est pas coutume, j'ai eu envie de mettre l'incipit du roman. Car en le terminant, je suis retournée vers cette première page intriguante.
Dès les premières lignes, on vous annonce la couleur.
Le héros de cette histoire va sillonner la ville, non pas la peur au ventre mais
la faim au ventre.
Qui est-il ?
Un écrivain en devenir, un écrivain passionné, qui " écrit comme possédé", mais un écrivain dont les articles de journaux sont refusés , qui n'arrive pas à joindre les deux bouts.
C'est un personnage solitaire, en marge, mais cultivé, certainement brillant. On le suit, au plus près.
On partage son quotidien. Et on ne nous épargne rien. Il tente de survivre en vendant le peu qu'il lui reste pour pouvoir écrire. Il écrira sous le réverbère, sur le trottoir, lorsque sa dernière bougie se sera éteinte.
Cette ténacité, cette passion, ou plutôt cette seconde nature qu'est l'écriture chez lui, m'a touchée.
Mais ne vous y trompez pas, ce personnage n'est pas attachant.
Il est même souvent exécrable.
Malgré tout, il n'est jamais véritablement larmoyant.
Il rejette d'ailleurs la moindre aide.
Il refuse la pitié.
Il est l'anti Bel -ami, comme j'ai pu le lire dans une autre critique.
En effet, c'est son strict opposé.
Il ne cherche pas à s'élever coûte que coûte. Il préfère endurer
la faim plutôt que de demander de l'aide.
Et malheureusement, il va vite tomber dans une misère insoutenable pour nous lecteurs, qui assistons à son agonie.
Puis
la faim brouillera bientôt ses pensées. On se demandera s'il devient fou. Mais peut-être l'était -il déjà ?
La faim nourrit sa folie, comme sa folie entraîne sa faim.
Mon avis
G
ros avantage des challenges : nous faire découvrir de nouveaux auteurs.
Et cette année, figure dans le challenge solidaire, Knut hamsun, un écrivain norvégien, prix Nobel de littérature, qui m'était, je l'avoue, complètement inconnu.
Une lecture donc, assez intimidante, que j'ai lu finalement avec beaucoup de plaisir.
Le style est agréable et ne manque pas de romanesque. Toutefois, l'intrigue est mince. L'unique sujet est
la faim. Rien ne nous est épargné : maux de ventre, vomissements, perte de cheveux, et troubles psychiatriques. C'est bien cela qui me faisait peur. Mais l'auteur a un talent fou car il nous en fait une histoire très digeste (sans mauvais jeu de mots). Son approche psychologique est très intéressante, et inspirera beaucoup d'autres auteurs comme Kafka par exemple et lui vaudra le surnom de
Dostoïevski norvégien. Flots de pensées et réflexions parfois cyniques pourront même vous amener à sourire, voire à rire.
Un roman grandement autobiographique qui nous rappelle le statut précaire des écrivains et artistes en général.