Quasar

Ce tome regroupe les épisodes 1 à 9 de la série mensuelle "Quasar", ainsi qu'un extrait de "Avengers Annual" 18 (11 pages), et un extrait de "Marvel Comics Presents" 29 (8 pages), parus initialement en 1989/1990.

Dans les années 1950, Robert Grayson avait revêtu un joli costume coloré et combattait le crime en utilisant 2 bracelets émettant de l'énergie appelés Quantum Bands. Suite à son décès lors d'un combat contre les Fantastic Four (épisodes 164 & 165 en 1975), ses bracelets ont été récupérés et stockés par l'organisation SHIELD dirigée par Nick Fury. Leur étude est effectuée sous la responsabilité de Gilbert Vaughn dont le fils Wendell termine sa formation en tant qu'agent du SHIELD. Au cours d'un raid organisé par l'AIM (une organisation secrète spécialisée dans la fabrication d'armes de destruction massive pour supercriminels), Wendell (affecté à la sécurité des expériences sur les bracelets) se retrouve obligé de les mettre et de les utiliser. Peu de temps après il est contacté par Eon (une créature cosmique créée par Jim Starlin dans Marvel Masterworks: Captain Marvel 3). Eon lui indique qu'il a été choisi pour devenir le nouveau Protecteur de l'Univers.

Dans ce tome, Wendell Vaughn acquiert donc les Quantum Bands, il se bat contre la personnification de la pulsion de mort (Deathurge), il est recruté dans les Avengers par Captain America, il affronte plusieurs extraterrestres de seconde zone, il croise Jennifer Kale et Man-Thing, il retrouve Aquarian (Wundarr, un personnage créé par Steve Gerber), il se bat contre Absorbing Man (Carl Steel), Venom, Red Ghost, Klaw, Temrinus, MODAM (une version féminine de MODOK), etc. Dans la vie civile il crée une société de sécurité spécialisée dans l'installation de système de vidéosurveillance.

Après plusieurs années de demande, en 1989, Mark Gruenwald obtient enfin l'autorisation de Marvel Comics d'écrire une série cosmique avec comme personnage principal Quasar. À cette époque, il est déjà un responsable éditorial de premier plan au sein de l'entreprise Marvel, mais aussi un scénariste reconnu pour ses qualités, que ce soit avec Captain America dont il aura écrit les aventures pendant 10 ans (de juillet 1985 à septembre 1995), ou avec Squadron Supreme. Il aura également été l'architecte du Official handbook of the Marvel Universe, une encyclopédie sur les personnages Marvel dont le format et le contenu encyclopédiques ont marqué plusieurs générations de lecteurs.

Le premier épisode donne le ton du récit : il s'agit d'un comics à la frontière entre les années 1970 et les années 1990. Ce qui frappe de prime abord, c'est le volume de texte qui empiète sur les illustrations. Mark Gruenwald fait partie des scénaristes qui souhaitent remplir le plus possible chaque épisode ; le récit décompressé il ne connaît pas. Pour commencer il se pose en constructeur d'une continuité resserrée et d'un univers partagé cohérent. Au travers des phylactères et des rectangles de texte, il donne le maximum d'informations possible. C'est à dire que même si vous ne connaissez aucun des personnages, Gruenwald glisse des rappels systématiques qui permettent au néophyte de comprendre les enjeux pour chaque individu.

Ensuite il fait en sorte d'inclure un résumé succinct de la situation dans chaque épisode. Au début, il le fait de manière très laborieuse, à savoir 2 pages pendant lesquelles Wendell Vaughn se remémore ce qui s'est passé par le biais de bulles de pensée, ou en parlant à un autre personnage comme son père par exemple. Par la suite Gruenwald améliore son dispositif et les rappels sont répartis de manière moins artificielle pendant l'épisode. Cet aspect didactique est servi par des illustrations elles aussi très terre à terre, qui ont pour objet de montrer le plus clairement possible l'action de façon pragmatique, sans emphase. Les épisodes 1 à 6 sont dessinés par Ryan, encré par Danny Bulanadi. Ils avaient déjà travaillé avec Mark Gruenwald sur la série DP 7 dans le New Universe. Ensemble, ils racontent leur histoire de façon posée, sans en rajouter sur l'aspect superhéros. Ils estiment que la nature même du genre dans lequel ils travaillent (le genre superhéros) comporte déjà suffisamment d'obligation de suspension consentie d'incrédulité, sans qu'il soit besoin d'en rajouter dans le sensationnalisme. Cela donne une dimension étrangement ordinaire aux aventures du protecteur de l'univers. Il faut dire que Gruenwald a choisi dans un premier temps de le cantonner sur terre car Eon lui a annoncé que la prochaine menace pour l'univers se manifestera sur terre. Malgré cet aspect ordinaire, Gruenwald et Ryan s'amuse régulièrement à glisse un discret clin d'oeil à la concurrence, le premier en faisant dire à Wendell qu'il a du mal à camoufler son identité uniquement avec du gel pour les cheveux et une paire de lunette (référence directe à Clark Kent), le second en copiant (plagiant même) les effets des anneaux des Green Lantern pour les manifestations d'énergie des Quantum Bands. Les épisodes 7 à 9 sont illustrés par Mike Manley (encrés par Bulanadi) dans un style identique à celui de Paul Ryan.

Un autre aspect qui en fait une série charnière est que Gruenwald et Ryan ne se sont pas encore débarrassés du modèle créé par Stan Lee. Malgré ses missions contre les supercriminels, Wendell Vaughn tente contre vents et marées de maintenir l'illusion d'une identité secrète et d'un métier. Mais déjà, ils s'éloignent de l'angoisse adolescente : Wendell n'est pas paralysé à l'idée que son identité secrète soit révélée. Quasar règle les conflits avec ses poings lors de combats pyrotechniques, mais déjà il bénéficie de l'aide logistique d'Eon qu'il interroge régulièrement pour bénéficier de son savoir et établir une stratégie avant de frapper le criminel du mois. Quasar évolue dans l'univers partagé Marvel et il retrouve de vieilles connaissances telles qu'Aquarius (déjà rencontré dans Project Pegasus), il participe au crossover généralisé du moment que ce soit Atlantis attacks ou Acts of Vengeance, mais il évite l'écueil de l'incompréhension qui veut que les superhéros se tapent dessus avant de se parler.

Malheureusement cette volonté de s'émanciper du modèle originale ne fonctionne pas toujours. Par exemple Gruenwald souhaite sortir les histoires de l'ornière des explications scientifiques totalement farfelues des comics. Il introduit donc des éléments scientifiques tels que la distance Terre-Uranus, les notions de base sur le spectre électromagnétique, etc. Mais dès la page d'après, il réutilise ses explications totalement erronées sur la nature de l'énergie. Et puis il y a cette volonté étonnante de vouloir introduire les épreuves du quotidien dans la vie de Wendell Vaughn. Quand Captain America lui propose un poste chez les Avengers, Vaughn passe une après midi à remplir tous les formulaires divers et variés nécessaires (entre les décharges de responsabilité et les assurances obligatoires).

À la relecture, ces histoires dégagent un parfum différent de la production de masse de l'époque. Gruenwald et Ryan sont à l'opposé de la tendance majeure qui prendra le dessus dans les années 1990, à savoir des illustrations toujours plus tape-à-l'oeil, criardes et tapageuses aux dépends du scénario. J'ai été sensible à la volonté didactique de Gruenwald pour rendre accessible l'univers Marvel, et au coté prosaïque de la narration.