J'avais détesté son diptyque sur la famille Morvan et son homme clou invraisemblable, c'était excessif en tout, de la famille dont tous les membres étaient siphonnés, des quatre pingouins qui nous rejouaient Fort
Chabrol pour rien parce qu'ils étaient innocents ces cons, des suspects à la pelle, de la peinture du Congo où l'on mangeait tranquillement, sur la tarmac de l'aéroport, des brochettes de viande humaine. Merci bien. C'était violent, caricatural et sans nuances, les rebondissements trop nombreux qui ne tenaient pas la route, des questions qui restaient sans réponses et des décisions prises en dépit du bon sens. Et j'avais ironiquement conclu que je préférais amplement faire partie de la famille des Atrides ou des Labdacides que de celle des Morvans. Mais apparemment,
Jean-Christophe Grangé n'avait pas fini d'explorer le thème de la famille et de l'hérédité.
Cette fois-ci, nous sommes en compagnie du commandant Corso. Et comme ce ne sont ni l'originalité ni le renouveau qui marquent l'oeuvre de Grangé depuis quelques années, devinez quoi ? C'est un flic borderline, autant voyou que policier, enfant de la DDASS, ancien toxico qui a assassiné dans son adolescence son proxénète, un peu porté sur la violence gratuite (parce qu'on n'interroge pas les gens -même suspects- en leur mettant un flingue sur la tempe), à la vie personnelle chaotique, affublé d'une ex-femme adepte du SM, lui-même ayant un gros problème niveau fesse, éprouvant la nécessité de souiller la femme par l'acte sexuel parce que Monsieur n'a pas connu sa maman, touça touça. Mais il est quand même catho et quand il tue des gens, il va à l'église pour chercher le pardon. Bref, un gars sain.
Aparté : étant donné que tous les flics de Grangé ont des problèmes équivalents dans ses bouquins, et que tous ses flics travaillent au 36, je n'ai aucune envie, mais alors aucune, de mettre un jour un pied dans ce repaire de tarés.
Notre bon commandant Corso se voit confier une affaire compliquée parce que c'est le-meilleur-flic-de-la-brigade-criminelle-et-qu'il-est-vraiment-très-fort : on a retrouvé une strip-teaseuse mutilée et accrochée par des liens noués selon la technique du shibari. Raffiné, le tueur s'est assuré que sa victime s'étouffe elle-même en se contorsionnant sous la douleur de la mutilation. Et il lui a enfoncé une pierre dans la bouche parce que…parce qu'il est pervers, y a pas d'autres explications possibles ! Très vite, un second cadavre fait son apparition, mettant la brigade sur les nerfs.
L'enquête s'oriente alors vers l'univers du SM et de ses pratiques extrêmes. L'auteur nous offre un catalogue de « déviances » sexuelles, genre catalogue Ikea, beaucoup de choix, peu de qualité. On retrouvera donc pèle-mêle glory-hole, chevillage, aiguilles dans le vagin, bougie allumée dans le vagin, tessons de bouteille toujours dans le vagin, triple pénétrations encore et toujours dans le vagin, et même nécrophilie. Cependant, cette débauche de pratiques extrêmes n'est qu'un écran de fumée : ça n'a absolument rien à voir avec l'intrigue et son dénouement, elle sert seulement à dresser pour pas cher une atmosphère glauque et malsaine dans le milieu interlope de la nuit. Cette encyclopédie du hardeur n'est qu'une longue liste sans saveurs, et on frôle l'ennui et l'agacement : tous les personnages que l'on va croiser s'adonnent à ces pratiques. Et le commandant Corso de se dire que « olalala toutes ses déviances et cette perversion, on vit vraiment dans une société bourgeoise en décadence, on-a-tous-quelque-chose-de-sale-à-cacher-derrière-nos-apparences-proprettes ». Ça me fait bien rire, sa femme étant elle-même masochiste, monsieur a bien dû avoir quelques pratiques sadiques pour la satisfaire. Hypocrisie quand tu nous tiens….
On découvre que les sévices infligés aux victimes sont inspirés par une série de portraits de Goya, les pinturas rojas (qui n'existent pas et sont vaguement inspirées par les thèmes des pinturas negras). Mais à part ça, l'enquête piétine. Jusqu'à ce qu'un ancien flic du Juras vienne apporter une piste fraîche : il leur suggère de s'intéresser à Philippe Sobieski, qu'il avait mis en taule à la fin des années 80 pour avoir massacré et étranglé une jeune fille avec ses propres sous-vêtements pendant un cambriolage. Qui plus est, les gendarmes l'ont toujours soupçonné d'être un routard du crime, multipliant viols et cambriolages sur son passage mais sans jamais pouvoir en apporter la preuve formelle. Et ce Sobieski s'est trouvé en prison une âme de peintre et est aujourd'hui reconnu dans le milieu artistique contemporain, il doit donc forcément connaître Goya. Bien que Corso se dise qu'il y a un océan qui sépare ce meurtre improvisé et désorganisé et les deux affaires actuelles qui exigeaient de la préparation et de l'organisation, il ne fait pas la fine bouche et se dit que oui, pourquoi pas aller voir ce Sobieski parce que meurtrier un jour, meurtrier toujours (je rappelle ici que Corso est catho, normalement, il est censé croire en la rédemption de chacun, passons).
Ce Philippe Sobieski est un sale con avec une sale tronche, qui joue la provocation facile (et complètement ridicule soit dit en passant) et adore attirer l'attention avec ses costards blancs et son borsalino, genre gangster des années 30. Et un satyre avec ça, qui aime la baise extrême avec de multiples partenaires. Et en plus, il a des photos des peintures de Goya dans son atelier. C'est lui, forcément, se dit notre flic super malin. Se joue alors la célèbre et affligeante confrontation entre flic et voyou, les deux étant bien décidés à faire tomber l'autre, déployant des trésors d'intelligence (ironie), de sales combines et de coups bas, en bon crétin qu'ils sont. [...]
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