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Citations sur Falaise des fous (76)

C'est au Havre que ma mère est née. Au Havre que l'impressionnisme est né. Au Havre que Courbet se lie avec Boudin dont il admire les marines. Au Havre et à Paris que Boudin découvre les caricatures que Monet dessinait alors et devient son maître. Boudin, parrain et passeur de Monet. Un beau jour, au débotté, en 1868, Monet et Courbet débarquent chez Alexandre Dumas, le père des Trois Mousquetaires, installé dans la ville. Grandes embrassades tonitruantes des deux ogres : Courbet et Dumas se découvrent, se reconnaissent et s'empoignent. Des bustes, des crinières ébouriffées, des chemises béantes. À tu et à toi tout de suite ! Dumas invite à dîner Gustave et Monet jouvenceau. On dirait un conte. Non, ils ne mangeront pas le jeune homme aux petits oignons. Dumas leur sert une omelette aux queues de crevettes.
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À bord de la Ville de Saint-Nazaire, un capitaine perdu rejoignait l'île du Diable. Dreyfus était en route pour le bagne. Le même jour. Le Gaulois annonçait qu'une lettre d'Emile Zola faisait savoir à l'Académie qu'il posait sa candidature pour le fauteuil de Ferdinand de Lesseps. Il serait débouté. Rien ne reliait encore le misérable déporté de l'Atlantique et le romancier briguant un titre honorifique. Un océan d'iniquité et d'ignorance les séparait. Pourtant, le destin, à qui il arrive d'avoir des envolées d'albatros, réservait au damné le trône absolu de l'innocence et à l'exclu qui lui porferait secours le Panthéon du Juste, auprès d'Hugo. Personne n'aurait parié, ce jour-là, que la mer de l'exil était le chemin de deux éternités qui marchaient l'une vers l'autre.
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Quand Rimbaud meurt, Monet devient roi. Ménélik de l'Ethiopie des Meules ! Mais Arthur, ce moignon du Soleil, se transfigure presque immédiatement en mythe. Le seul crime d’Arthur Rimbaud fut d’avoir démodé Baudelaire. La vraie tombe de Rimbaud est, pour moi, le mausolée d'une meule rouge d'été, comme la case du Harar le plus pur. Courbet, Rimbaud, Manet, Monet, Van Gogh... Quel grand siècle que celui de Flaubert et de Victor Hugo !
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Je lis tout haut un paragraphe à ma petite famille :

- «Une seule injustice, un seul crime, une seule illégalité, surtout si elle est officiellement enregistrée, confirmée, une seule injure à l'humanité, une seule injure à la justice et au droit, surtout si elle est universellement, légalement, nationalement, commodément acceptée, un seul crime rompt et suffit à rompre tout le pacte social, tout le contrat social, une seule forfaiture, un seul déshonneur (...). C'est un point de gangrène qui corrompt tout le corps. »

- C'est quoi la gangrène ? demande Charlotte, plus impressionnée par mon émotion que par le contenu du discours.

- C'est la pourriture, la décomposition, le mal.

Péguy, fou de conscience, rejoindra dans mon cœur, lors de ma lecture de 1910, l'Olympe de ma Falaise des Fous de création.
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Quarante-deux ans après, je prends connaissance d'une lettre invraisemblable du bon Durand-Ruel qui écrit à Monet à propos du tableau de la Manneporte que ce dernier vient de lui livrer : « II vaut mieux que vous partiez de suite à Étretat. (...) Vous feriez bien d’y emporter la grande porte (...). Vous auriez à revoir la mer sous la porte. On ne s'explique pas les vagues...» La vie d’artiste est moins libre qu'on ne le prétend !
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Boudin a peint l'effervescence extraordinaire du port de Bordeaux où les terre-neuviers de Fécamp pouvaient débarquer, à la belle époque, soixante mille morues par bateau. Oui, Boudin était fait pour saisir les quais de Fécamp saturés de foule et d'adieux. Il a peint encore ces extraordinaires régates du Havre grouillantes de cohues, de vent, de voiles, de mouvement marin. Ou le futur Pissarro des ports et des foules urbaines ? Boudin et Pissarro, dans sa dernière manière, possédaient le génie du charbonnement métaphysique de la création, de son grain rude que Monet allait volatiliser dans la lumière hallucinée. Mais l'âme de Fécamp est une secrète fulmination de ténèbres. Pour Monet, le dieu de la peinture était le soleil. Et la brume légère qu'il n'en finissait pas de percer. Pour Boudin, c'était Jupiter transformé en nuage. Les baigneurs et les baigneuses, les crinolines de Trouville et de Deauville étaient lo sous la caresse du divin, du précieux nuage.
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Picasso se moque des vieux soleils du père Monet. La lumière, c'est lui. Il peint Verre et Bouteille de Suze ! Il inscrit la marque publicitaire populaire, en relief, sur un foisonnement de fragments de journaux collés, de novembre 1912. Des articles sur le conflit des Balkans et sur le meeting de l'Internationale ouvrière au Pré-Saint-Gervais contre la guerre, les canons Krupp et Schneider. Quarante mille voix chantent alors l'hymne au 17e regiment mutiné : « Salut, braves pioupious ! » Proudhon, partisan d'un art social utilitaire, aurait été indigné de voir l'Histoire ravalée à l’état de fond illisible, la lutte ouvrière servant de quadrillage gribouillé, de collage à des entourloupes cubistes et à une bouteille de Suze. Mais l'art moderne ne recrache pas le réel littéral. Il le défigure et démultiplie ses efflorescences dans un geste de liberté et de transgression. Monet le sait bien. Et si, un jour, les archives sociales de 1912, pour des descendants lointains, n’étaient plus déchiffrables que par la Suze de Picasso, dans un recoin de quelque musée épargné, bunker américain ?

Vive Picasso ! Vive le Pemod !
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Combien d'individus peuvent ainsi passer d'un genre à l'autre, de la contemplation la plus précieuse à la décision granitique, oui, à la fameuse raison d'Etat, aux représailles si nécessaire et plusieurs fois ?

Clemenceau se complaît à opposer toujours son réalisme actuel aux visions futures de Jaurès. Clemenceau raille : « Savez-vous à quoi on reconnaît un article de Jaurès ? Tous les verbes y sont au futur... Mon affaire à moi, c'est aujourd'hui, car demain dépasse toutes les prévisions. »

Clemenceau, le héros de l'avenir viril...
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Du côté du Perrey, où régnaient les bataillons de cabestans, les pêcheurs triaient le poisson, l'embarquaient dans des paniers, des mannes. Aidés par leurs épouses en tablier et bonnet blancs, ils trimballaient de lourds cordages qu'ils allaient fourrer dans la coque d'une de ces « caloges », caïques hors d'usage coiffés d'un amas de chaume.. . Trois femmes ramendaient les filets en jetant un regard aux bourgeois. Plus haut, au-delà de la plage, se dressaient trois villas cossues à pignons, balcons et vérandas où jouaient au volant de ravissantes petites filles en robe de mousseline à rubans.
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Arrivaient sur les tables des crevettes de Honfleur, des homards tout décalottés de leur carapace pourpre mais encore armées de leurs pinces de gladiateurs qui attendaient d'être rompues. Les accompagnaient des langoustes annelées de rose et de blanc, humides et potelées comme des nymphes de Boucher. Des huîtres de Courseulles sentaient le goémon de la marée authentique. Ensuite ce furent, selon les goûts, autant que je me souvienne... des quartiers de chevreuil sauce Nesselrode, des aspics de foie gras, des pâtés chauds de ris d'agneau, des filets à la Rossini sauce Périgueux, des gélinottes dorees. Ou des filets de sole normande à la sauce crevette, des turbots à la chair fondante, des poulardes de Bresse truffées. Certains convives plus familiers faisaient goûter leur part à leur voisine attirée. Dans un petit mouvement affété et friand, la bouche charnue happait l'appât odorant. On dégustait, on soupirait d'aise, on se regardait. On frétillait, on écarquillait les yeux d'intérêt simulé devant des conversations qu'on n'écoutait pas.
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