Contrairement à ce que peut laisser croire le titre de cet ouvrage, il ne s'agit pas d'un essai sur le libertinage ou le roman libertin, mais d'une analyse des Liaisons dangereuses de Choderlos de
Laclos, à travers l'étude de quelques grandes structures narratives de cette oeuvre.
Jean Goldzink analyse tout d'abord la représentation de l'espace et des objets, ramenée dans l'écriture à l'essentiel et aux précisions nécessaires à la stratégie libertine. Les corps eux-mêmes sont pris dans ce mouvement d'objectivation et de projection de la volonté du « général » libertin. Est ensuite analysé le temps des Liaisons dangereuses, qui s'y constitue comme un enjeu primordial pour les personnages, ainsi que je l'avais pressenti lors de ma lecture :
Jean Goldzink détaille pour chaque intervenant du roman la perception temporelle qui le caractérise et les impacts que cela a sur le déroulement de l'intrigue. La forme de celle-ci, c'est-à-dire le système épistolaire, est également finement abordé, à partir d'observations très précises (qui n'écrit pas, qui lit ou non, comment chacun fait usage de ce moyen de communication et de manipulation ?). Enfin, l'une des analyses qui m'a particulièrement intéressée est celle du système des passions au 18e siècle, divisé entre le corps, l'esprit/l'imagination, le coeur et les sensations suscitées par les autres hommes : là encore, chaque personnage est relu en fonction de ce regard et peut se révéler plus complexe qu'on ne le pensait, comme la marquise de Merteuil.
Toutes ces études – qui m'avaient semblé assez hermétiques l'une à l'autre et constituer une série d'analyses isolées – sont réutilisées dans l'avant-dernier chapitre de l'ouvrage, dans une analyse-synthèse sur le libertinage, dans laquelle sont plus particulièrement étudiés les personnages libertins, le vicomte
De Valmont et la marquise de Merteuil, ainsi que leurs relations. À partir de cette dernière étude,
Jean Goldzink cherche à déterminer quel serait le projet moral
De Laclos. Il se sert ensuite de cette interprétation pour remettre en question les conclusions de deux ouvrages critiques ayant traité cette question :
Les Liaisons dangereuses de
Michel Delon (PUF) et
Laclos ou le paradoxe de
René Pomeau (Hachette). J'avais lu le premier, mais pas le second, et ai globalement assez bien compris les idées défendues par chaque chercheur et là où elles montraient quelques faiblesses selon
Jean Goldzink.
Son regard sur
Les Liaisons dangereuses est extrêmement intéressant et s'appuie sur une lecture très rapprochée du texte. Pour cette raison, je conseillerais la lecture de cet essai aux passionnés et à ceux qui ont lu cette oeuvre plusieurs fois, de façon plus ou moins rapprochée. Il me semble nécessaire d'en avoir une (très) bonne connaissance (l'auteur fait parfois référence à des détails peu connus et facilement oubliés au terme d'une première lecture) et d'être prêt à voir sa vision d'un personnage ou l'autre remise en question.
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