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Critique de Woland


Close Quarters
Traduction : Marie-Lise Marlière

ISBN : 9782070421442


Le Révérend Colley est mort et Edmund Talbot a achevé le "Journal" destiné à son parrain et protecteur. Pour son anniversaire, il s'en procure un autre, tout vierge, auprès de l'intendant du bord, un certain Jones qui tient beaucoup de l'usurier. Il commence à peine à y jeter quelques premières notes lorsque son premier chapitre s'achève abruptement, sur un début de proposition, sans aucun point, final ou de suspension.

Talbot reprendra plus tard son second "Journal". Mais pour l'instant, il a reçu un sacré coup sur la tête. Pire encore, le navire, déjà vieux et qui en avait tant vu sur tant d'océans, se retrouve démâté par l'imprudence du lieutenant Jack Deverel, jeune homme sémillant mais alcoolique regrettable, qui a quitté son quart pour descendre boire un verre de brandy, en laissant seul à la manoeuvre, et ceci en dépit des prescriptions du Code maritime, le pauvre aspirant Willis, un peu trop jeune et inexpérimenté pour gérer un coup de vent inattendu et brutal. de toutes façons, pour tenir la barre en pareil moment, deux hommes eussent été nécessaires.

L'ordre revenu, la situation n'est guère brillante. Les mâts sont brisés, les voiles en piteux état, la mer, désormais plus sage qu'une image, encalmine le vaisseau, et les vivres comme les provisions d'eau douce diminuent. Ajoutez à cela que la guerre est déclarée entre le capitaine Anderson et Jack Deverel. le premier a interdit au second de boire. le second ne pense qu'à ça. Quant au pauvre Willis, s'il n'est pas aux fers, on l'a puni en le mettant à la vigie. Une vigie démâtée, ça revient à une espèce d'appareil très dangereux où l'on se gèle vraiment vite. D'ailleurs, à un certain moment, Anderson sera contraint de mettre fin au châtiment du jeune homme sous peine de le voir perdre la vie.

La Nature essayant toujours de rééquilibrer plus ou moins les choses, certains avantages se font jour. On croise "L'Alcyone", en route pour les Indes, superbe navire commandé par le charmant lord Somerset, accompagné dans sa traversée par son épouse, par Miss Chumley, sa nièce et par Miss Oates, une dame de compagnie. Les deux bateaux fraternisent, les équipages improvisent un petit spectacle assez bien troussé et Edmund qui, au tome précédent, envisageait une carrière au Parlement et un riche mariage, a le coup de foudre pour Miss Chumley. On peut penser sur l'instant que le coup sur la tête qui l'a mis KO un certain temps y est pour quelque chose. C'est sûr : notre jeune homme traverse une période ultra-sensible et c'est avec le désespoir qu'on devine qu'il voit "L'Alcyone" s'éloigner lorsque vient pour ses passagers et son équipage l'heure de reprendre la route des Indes.

Un fait qui a son importance et sur lequel se bâtira pratiquement toute l'intrigue du troisième tome : les capitaines Anderson et Somerset ont procédé à un "échange" d'officiers. Deverel, toujours forte tête et qu'Anderson avait fini par mettre au fer, est reparti sur "L'Alcyone." En échange, Anderson a accueilli le lieutenant Benét - ses parents ont fui la Révolution française, d'où l'étrangeté de son patronyme - une sorte de jeune Apollon blond, toujours aimable et toujours débordant d'idées. Des bonnes et des moins bonnes. Bien qu'il n'ait pas, pour sa part, atterri dans les fers - il est bien trop souple pour ça - Benét s'est vu exclu de "L'Alcyone" pour avoir courtisé lady Somerset ... Eh ! oui ! Rien moins que l'épouse du commandant ! Cela donne déjà une idée du caractère du personnage.

Le récit de la destruction des mâts, toutes les scènes marines sont admirables. Mais il manque ici, en tous cas à mon sens, l'extraordinaire ampleur dramatique de "Rites de Passage." Ce premier tome volait littéralement sur la mer et sur ses pages. le second s'essouffle, stagne, tourne en rond. On espère un temps en la force de caractère de Deverel même si le personnage n'est pas vraiment sympathique. Mais l'illusion se dissipe vite. En ce qui concerne la romance entre un Edmund Talbot gravement secoué par sa blessure à la tête et une Miss Chumley très bien élevée, que dire sinon qu'elle ne dépasse pas l'ordinaire. On a un peu l'impression que l'auteur fait du remplissage pour parvenir à la fin de sa "Trilogie." Dommage. Certains passages valent vraiment le détour et l'amour de la Mer qui plane sur l'ensemble, bien qu'il ne suffise pas à maintenir un souffle épique permanent, fait percevoir au lecteur les coups de fouet des embruns et l'horreur de ce que pouvait être la navigation à bord d'un vieux bateau de bois qui, contrairement à ses collègues britanniques de l'époque, n'était pas doublé de cuivre. Et ça, ce n'est pas une mince réussite. ;o)
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