(décembre 2022)
Le 19 novembre 1976, les cendres de feu Jean Gabin Alexis Moncorgé se noient dans les flots au large de la pointe de Saint-Mathieu, près de Brest. "La Grande" dira ce jour-là : cet homme a fini par m'échapper.
Marlène Dietrich exprimait sa profonde tristesse de ne pas pouvoir approcher encore "son homme", quitte à se recueillir sur une tombe.
L'histoire d'amour des deux monstres sacrés est née sur le continent américain et s'est prolongée sur le continent européen, alors qu'ils s'étaient volontairement engagés pour libérer la France du joug allemand. Si leur couple fut de courte durée, l'un comme l'autre fut durablement marqué par l'intensité de leurs sentiments.
Ce récit est passionnant. Aux Etats-Unis, on découvre la folie inquisitoriale du FBI, la rudesse du cinéma hollywoodien, les fantaisies de stars, la colère et la frustration de Gabin d'être si loin du front, la détermination de Marlène contre son pays de naissance. de retour en France, on rencontre dans la 2ème D.B le chef de char Moncorgé qui n'a plus grand-chose à voir avec Gabin Gueule d'amour. On admire le courage de la Dietrich prenant des risques époustouflants près des lignes ennemies. On libère Royan. On investit le Nid de l'Aigle.
Et le calme revient. Un calme qui ne convient à aucun des deux. La femme libre et fauchée rentre aux Etats-Unis. L'homme quarantenaire, au vert forcé des projecteurs, veut devenir père. Il la quitte alors pour toujours.
La suite, on la connaît tous, car c'est le Gabin aux cheveux blancs qui a l'allure d'un grand-père des années d'après-guerre. J'ai réalisé que, dans tous ces films anthologiques (Le cave se rebiffe, Un singe en hiver, le clan des siciliens, La traversée de Paris …), il n'avait en fait qu'entre 50 et 60 ans. Un homme encore jeune dirait-on aujourd'hui. Il était surtout un homme assez arrêté sur ses positions et suffisamment mûr et droit pour gagner le respect et l'amitié de la toute jeune génération de la Nouvelle Vague. Un exploit supplémentaire à son palmarès.