Que bâtirais-je avec ma langue ?
Quel palais fou de désespoir ?
Hanté d'absence immobiles ?
Quelle ville, vouée, dès jadis
Aux purs silences de l'oubli ?
Arbre, amour, solitude, poussière...
Et c'est comme si je n'existais pas
Dans cette immensité qui me sépare de moi-même
Dans l'intouchable de ce lieu
Frémissant, monstrueux...
J’étais l’objet d’une question qui ne m’appartenait
pas. Elle était là, ne se posait, m’appelait par mon
nom, doucement, pour ne pas m’apeurer. Mais le bruit
de sa voix, je n’avais rien pour en garder la trace.
Aussi je la nommais absence, et j’imaginais que ma
bouche (ou mes mains) allaient saigner. Mes mains
demeuraient nettes. Ma bouche était un caillou rond
sur une dune de sable fin : pas un vent, mais l’odeur
de la mer qui se mêlait aux pins.
NEUTRE : être nu.
Parole neutre, parole nue, parole non à dire, parole non dite. Et disant cette
parole non dite, l'œil s'ouvre dans la vision non plus œil dit, vision dite,
mais œil et vision confondus dans le non dit. (Et la parole non-dite doit
être, et DONC est dite, sinon elle ne serait pas « non-dite »). Parole
incorrigible, et qui ne revient pas deux fois sur ses traces, parole écrite sur
une surface toujours blanche, combustible. (Parole qui brûle tout sur son
passage, et soi-même ; qui se détruit en se proférant ; qui n'existe que pour
n'être pas. Cette parole : un feu qui se dévore, et ne laisse dans la bouche
qu'un goût de cendre ; qui ne laisse de la bouche que cendre).
Que bâtirais-je avec ma langue ?
Quel palais fou de désespoir
Hanté d'absences immobiles ?
Quelle ville, vouée, dès jadis
Aux purs silences de l'oubli ?
Arbre, amour, solitude, poussières…
Et c'est comme si je n'existais pas
Dans cette immensité qui me sépare de moi-même
Dans l'intouchable de ce lieu
Frémissant, monstrueux…