La nuit du désert formait une protection autour de nous et tout au long de cette soirée, comme dans d'autres avant celle-ci, nous étions la beauté, la pureté, l'origine et la fin de tout et de nous-mêmes. Nous étions uniques et essentiels. Un groupe humain aussi puissant que la plus puissante des familles. Alors que j'étais orphelin et oublié du reste du monde, ils m'avaient recueilli comme on recueille une eau rare au creux de sa main, ils m'avaient gardé, protégé et appris à survivre avec le minimum. J'avais grandi ainsi, parfois durement, mais ce soir-là, comme dans d'autres rares moments, je me sentais en sécurité. Je l'étais. Protégé par la nuit épaisse comme une muraille. Bercé et enivré par les chants, je me détachais du passé et pouvais me laisser hisser dans les brumes chaudes et insaisissables de ce qui semble être le bonheur. Si je l'ai ressenti plus particulièrement à ce moment-là, c'est par la grâce du baiser avec Nora, le contact de son corps et du mien, l'avènement de l'amour dans ma vie comme des retrouvailles avec des souvenirs disparus. Plus tard dans la nuit, assis en tailleur sur un tapis, l'épaule de Nora contre la mienne, sa main brûlante dans la mienne, sa voix, son parfum, sa quiétude, les hommes et les femmes tout autour, leur affection sincère, les chants magnifiques et le feu devant, c'était là ma vie, mon instant, une partie de mon passé et mon devenir. J'ai su que j'aimais Nora depuis les premiers jours, aussi vrai que l'on a faim ou soif, par instinct, et que je l'aimerais toujours.
"le destin, c'est le vent qui pousse un bateau : on ne peu décider ni de sa force ni de sa direction, mais en jouant avec les voiles, on peut aller où on veut"
"Pour survivre, même lentement, dans le monde de la soif, il faut trouver de l'eau sans jamais s'arrêter de chercher, sinon c'est la mort"
Il faut rendre à la nature ce qu'on lui a emprunté. Apprendre d'elle pour lui restituer ensuite. Le monde nous est prêté et le désert est une école"
"confronté à l'infini et à la permanence, tout à la même durée et tout ce qui bouge est immobile ; ça doit être pour cette raison que les nomades avancent mais reviennent toujours sur leurs pas"
L'eau a davantage de valeur que l'or. L'eau permet de vivre, l'or non.
Mais le destin, c'est le vent qui pousse un bateau : on ne peut décider ni de sa force ni de sa direction, mais en jouant avec les voiles, on peut aller où on veut.
J'ai appris ce soir que la seule chose qui compte au moment du départ, c'est l'amour de ceux que l'on quitte.
Il faut rendre à la nature ce qu'on lui a emprunté. Apprendre d'elle pour lui restituer ensuite. Le monde nous est prêté et le désert est une école.
Dans les fentes où scintillent ses yeux est conservée la mémoire des routes et du sable et de ce qu'il y a au-delà.