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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Dans ce nouveau récit, Thomas Giraud ressuscite la figure originale de Bas Jan Ader, un artiste conceptuel hollandais au destin tragique, nous invitant à l'accompagner (le titre du roman souligne, avec modestie, ce projet : « Avec Bas Jan Ader…) au fil de son dernier voyage. In surch of the Miraculous…, c'est ainsi que Bas Jan Ader avait intitulé son ultime performance, dont la seconde partie - après une traversée nocturne de Los Angeles à pied (One Night in Los Angeles) et avant, pour clore le triptyque, un trajet prévu de Felmouth en Angleterre jusqu'au Groninger Museum aux Pays-Bas, en ferry et en autobus – devait le mener sur l'Atlantique, à bord d'une coquille de noix, entre Cap Cod et les côtes irlandaises. Nous voici embarqués sur ce voilier minuscule, avec lui et l'auteur, qui s'adresse directement à son personnage en utilisant régulièrement le « tu » de la seconde personne. Dès le départ, l'aventure semble insensée, vouée à l'échec, Thomas Giraud interrogeant avec un peu de cruauté la pertinence du projet -« ce miracle que tu prétends chercher on peut se demander ce que tu en attendais vraiment et ce qu'il en resterait » -, quand il ne va pas, de manière franchement drolatique, jusqu'à imaginer que notre artiste ait pu concevoir l'idée de tricher, en faisant embarquer au large son embarcation sur un cargo, qui l'aurait déposée à nouveau sur les flots à quelques encablures de sa destination irlandaise… Mais le voyage donne surtout l'occasion d'évoquer la vie de Bas Jan Ader, marquée par le « fantôme » envahissant d'un père, fusillé par les Allemands vers la fin de la guerre pour avoir sauvé des Juifs, et la dévotion excessive d'une mère, confite dans le souvenir de son mari héroïque, la vie d'un adolescent solitaire – « Tu étais seul, tu as toujours été seul » - puis d'un adulte sensible et rêveur, hésitant lors de ses études entre la philosophie et les Beaux-Arts. En choisissant finalement cette dernière voie, le jeune artiste s'empresse pourtant de s'écarter des sentiers battus, utilisant la gomme comme le principal outil de ses oeuvres plastiques, avant d'imaginer les performances les plus singulières… Si Thomas Giraud évoque ces petits films où on le voit pleurer de multiples manières ou ce All my Clothes, constitué par l'étalage, dans un ordre complètement arbitraire, de tous ses vêtements sur un toit, il s'attarde essentiellement sur la série des « chutes », reconstituant par l'écriture – et c'est bien là, miracle des mots et vrai talent de l'écrivain, une prouesse, de donner à sa prose tant de qualité visuelle ! – ces scènes filmées où notre héros s'évertue à tomber, ici d'une branche dans un ruisseau, là à bicyclette dans un canal d'Amsterdam, s'interrogeant sur le sens de ces performances, proposant, en laissant la question ouverte, différentes interprétations de cette obsession de la « chute ». le miracle, certes, n'aura pas eu lieu, mais Thomas Giraud nous réserve une énigme finale (évidemment, on ne vous en dira pas plus !) et, comme il l'a fait magnifiquement dans ses précédents textes pour Elisée Reclus ou Victor Considerant, aura tendu à Jan Bas Ader le plus beau des miroirs poétiques, capable de rendre à ses rêves toute la puissance heureuse de l'utopie ! Célébrant chez son personnage cet art de « fabriquer des moments de contemplation » et sa capacité de « séducteur… avec cette façon qu'ont les beaux jeunes hommes intranquilles et timides », on ne sait plus de qui il parle, finalement… Jan, ou Thomas ?
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Coup de coeur !

Artiste néerlandais, Bas Jan Ader porte le même prénom que son père. Qu'il n'a jamais connu. Ou alors à travers les souvenirs des autres. Les récits des autres. Héros de guerre. Sacrifié. Mort pour la liberté.

Il entre aux Beaux-Arts, Bas.
Il y entre et s'appliquera à en sortir, à coups de gomme. de larmes. de chutes.

Il disparaît en mer. Ne meurt pas. Disparaît. Lui qui avait décidé de traverser l'Atlantique sur une coque de noix. Acte d'héroïsme à sa façon. Comme pour rattraper le père. Ne pas le dépasser, le rattraper, être son fils.

Thomas Giraud le tutoie.
On entre dans l'intimité et de l'auteur, et de l'artiste, par ce choix de pronom. Mis à nus tous les deux, dans leur sensibilité. Leur poésie.
Car ce livre n'en manque pas, loin de là !
Avec une belle musicalité, les mots de Thomas Giraud nous offre le portrait de cet être cabossé, oublié, Bas Jan Ader, qui chute et se relève, mais décidément y laisse de lui, à chaque fois, un peu, beaucoup...

Quel hommage !
Quel livre !

Merci pour cette merveilleuse découverte.

Lu dans le cadre du #prixsagan
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Olympien, intrinsèque, ce texte-essai est un hommage à l'oeuvre macrocosme, à l'homme-chute : Baastien Bas Jan Ader mystérieusement disparu en 1975. L'immensité fait foi. Thomas Giraud interpelle subrepticement Bas Jan Ader par un tu tout en symbole, sans jugement aucun. Juste l'importance essentialiste, litanie et oraison.
Dans les profondeurs allouées, les maillages, les retournements, il incite au dépassement de la gestuelle. Thomas Giraud cherche à comprendre le triptyque de Bas Jan Ader. Lui, qui aimait chuter, l'ange volant frôlant la terre. L'eau matrice, prouver à soi-même que tout peut se rassembler de nouveau. Fragile et tenace, blessé et vaillant, manichéen sublime.
« Tu as frissonné en sentant que l'océan n'était peut-être pas seul à ce moment-là, que le fantôme aussi t'avait soulevé, aidé un peu. »
Son père écueil, ressac, fusillé en 1944, serait-il de la quête ? le surpassement ? La chute libre ?
Les croisements sont initiatiques. Les voyages artistiques jusqu'au boutisme des épreuves.
« Des fiertés sottes et secrètes qui rendent certaines fragilités royales. Ça devait arriver et tu attendais. Tu t'entraînes un peu n'importe comment au départ avec des intuitions de funambule. »
Cet hymne est l'épiphanie, la reconquête des forces altières. Un chant à tu, la gloire à l'artiste, des photographies que Sue (sa femme) accroche au fronton des horizons.
« Tu n'attends ni une main miraculeuse qui fasse taire le vent et les creux de la mer, ni la proximité d'un navire où tu pourrais être recueilli. »
« Tu appelles pour retrouver en toi, en dessous, enfouis par les années, une impression, un souvenir, un écho. »
Cynique à l'instar de Diogène, libre, immensément libre, possédé par le père tombé à terre, Bas Jan Ader est « Jonathan Livingston le goéland. »
Thomas Giraud relève les barrières. Il pourvoit à l'artiste, à l'homme. Il rassemble l'épars, les déambulations marquantes, un être blessé dans sa chair. L'aérien des chutes, les tracés atypiques et leurs significations. Rien n'est hasard. Ici, Thomas Giraud devine le crucial de se qui doit être prononcé à tu et à je sans fausse route aucune. Ici, tout est alliance et génie. Ce récit-mémoriel est le piédestal littéraire. Humble, précieux et grave. Prenez soin de la dernière page où Bas Jan Ader est de face ou de dos , on ne sait pas. Lisez alors les cheminements de ce grand livre. le souffle reprend et c'est bien.
« Que fais-tu de ces brides, de ces bouts de souvenirs anciens qui ne sont pas les tiens, de cette somme qui fait une histoire dont tout le monde parle, qui prend beaucoup de place ? Tu sens bien que tu ne peux pas faire sans. »
Dans la collection sentinelle : "une attention particulière aux histoires et parcours singuliers de gens, lieux, mouvements sociaux et culturels". "Avec Bas Jan Ader" est publié par les majeures Éditions La Contre Allée.

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