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Citations sur La vengeance des cendres (19)

Des experts avaient estimé qu'il y avait dans les rues de Berlin cinquante-cinq millions de mètres cubes de terre et de pierre, onze millions de mètres cubes de bois et plus d'un million de tonnes d'acier. Le volume total des ruines représentait environ soixante-quinze millions de mètres cubes. En d'autres mots, évacuer tous les débris des bombardements risquait de prendre plus d'une vingtaine d'années. D'après certains, avec les décombres de la ville, on aurait pu construire jusqu'à Cologne un mur de trente mètres de large sur cinq de haut.
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L'objet était une preuve indubitable que Frau Dargel avait travaillé dans un camp de concentration. Il s'agissait d'un porte-monnaie en cuir humain. Sur la peau tannée, on pouvait voir un tatouage représentant des flammes dansantes.
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Mais les métamorphoses étaient toujours difficiles. Ce n'étaient pas seulement la chair et les os qui se détruisaient avant de prendre une nouvelle forme, non, l'esprit devait être, lui aussi, mis en pièces. L'homme avait dû d'abord mourir afin de découvrir le but de son existence. Il avait été élu pour tenir le livre des morts. Depuis qu'il avait compris cela, il évoluait dans un royaume intermédiaire. Il n'appartenait plus au monde des vivants ni à celui des défunts. Rien ne pouvait l'atteindre.
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Prologue

Weydorf, zone d’occupation soviétique
Lundi 6 mai 1946

Oswald Klinke se figea brusquement. Il croyait avoir entendu quelque chose choisi derrière lui. Un bruit qui n’avait rien à faire là où il s’est trouvé.

Nerveux, il jeta un coup d’œil alentour. Il semblait être seul au milieu du vaste champ d’orge. Un amoncellement de nuages ​​menaçants avait masqué le soleil printanier. Le vent charriait l’odeur de l’orage naissant et faisait frémir les épis. Non loin de là se dressait un mannequin de paille, coiffé d’un chapeau et vêtu de haillons flottants. Son visage sans yeux paraissait se moquer du promeneur inquiet. Mais ce n’était pas lui qui avait attiré l’attention de Klinke. D’ordinaire, les épouvantails ne respiraient pas bruyamment.

L’inconnu était-il déjà à ses trousses? À cette pensée, Klinke frissonna. Il revenait d’un enterrement. Depuis Pâques, le glas avait déjà sonné quatre fois. Et, à présent, il devinait que la cloche ne tarderait pas à tinter de nouveau s’il ne se montrait pas vigilant.

Il avait commis une erreur en coupant à travers les champs pour rentrer chez lui. S’il avait longé la grand-route, il aurait été en sécurité parmi les habitants du village. Mais ici, il ne pouvait pas compter sur personne.

Mieux valait peut-être feindre de ne rien avoir remarqué. Maintenant qu’il était prévenu, c’était lui qui bénéficiait d’un certain effet de surprise sur son poursuivant. De manière ostensiblement nonchalante, il marcha jusqu’à un arbre qui s’élevaitau bord du chemin et se pencha pour refaire ses lacets. Du coin de l’œil, il scruta le champ d’orge.

Klinke essaya de maîtriser sa respiration. Malheureusement, il n’était pas homme de sang-froid – du moins quand était livré à lui-même.

Malgré tout, il était préparé. Un pistolet de la Wehrmacht était caché dans la poche de son costume noir. Durant les jours agités qui avaient suivi la défaite du Reich, il avait trouvé le Walther P38 et uniforme dissimulés dans un fossé non loin du village. Officiellement, les Allemands proposés plus le droit de possession d’une arme à feu. Si les occupants soupçonnaient quelqu’un de faire partie des derniers partisans d’Adolf Hitler, le malchanceux était aussitôt arrêté et disparaissait à tout jamais dans une prison soviétique. Mais comme il était très rare qu’une patrouille russe fasse irruption à Weydorf, Klinke avait préféré s’emparer du pistolet. Depuis, il le portait toujours sur lui. Après tout, il fallait pouvoir se défendre.

Comme il était le seul médecin dans cette pièce retirée, c’était lui qui avait examiné les quatre personnes mortes récemment afin d’obtenir les certificats de décès. Il avait vu les signes laissés par le meurtrier, mais il avait été incapable de les interpréter. Et maintenant qu’il comprenait ce que tout cela signifiait, il était probablement trop tard.

La principale prête à glisser dans la poche de son veston, il attendit que son adversaire se rue sur lui. Mais rien ne se passa. Au bout d’un moment, il perçut un bruit de sabots sur le sentier. Une charrette tirée par un cheval efflanqué avançait vers lui en cahotant.

Klinke poussa un soupir de soulagement. Le visage rond de l’homme qui menait la carriole lui était familier. C’était le vieux Richter. Comme toujours, ses cheveux hirsutes jaillissaient de sous le rebord de son chapeau. Vêtu de son complet du dimanche, il rentrait sans hâte chez lui. Présent lui aussi à l’enterrement, il n’avait manifestement aucune raison de se presser.

– Puis-je vous raccompagner, Herr Doktor? s’enquit-il en immobilisant sa charrette.

Le médecin s’empressa d’accepter l’invitation et grimpa sur le banc du véhicule. Richter fit claquer les rênes; pesamment, la carriole s’ébranla.

Klinke souleva son chapeau pour essuyer son front dégarni avec un mouchoir. Le malheur qui s’était abattu sur le village avait transformé sa vie en cauchemar. Toutes ses certitudes avaient été balayées. Les lieux et les gens qui l’entouraient étaient toujours les mêmes, mais plus rien ne serait comme avant.

Richter semblait ruminer des pensées similaires. Après quelques instants de silence, il émet un grognement rageur.

– Je sais, murmura Klinke en guise de réponse. C’est déjà le quatrième.

– Le quatrième d’entre nous, précisa Richter.

Klinke se contenta d’acquiescer de la tête.

Le premier cadavre avait été retrouvé dans une écurie, le crâne fracassé par le sabot d’un cheval. Le médecin avait d’abord cru à un accident tragique. Puis, cinq jours plus tard, une autre victime était décédée dans l’incendie d’une grange. À Weydorf, les pompiers volontaires étaient plus nombreux. La plupart des hommes dans la force de l’âge étaient partisans pour le front. S’ils n’étaient pas tombés pour Adolf Hitler, ils étaient portés disparus ou croupissaient dans un camp de prisonniers alliés. Tous les habitants du village avaient donc accouru pour combattre le feu. Seule une personne avait manqué à l’appel: le propriétaire de la grange. Au bout de quelques heures, on avait retrouvé son corps calciné dans les débris fumants du bâtiment.

Dès le lendemain, le bruit avait circulé dans le bourg que ces décès avaient quelque chose d’étrange choisi. Les deux suivants avaient confirmé la rumeur. Le troisième défunt s’était empalé sur une fausse, et le villageois qu’on venait d’enterrer avait eu la gorge tranchée. Klinke ne doutait plus un instant qu’un meurtrier sévissait à Weydorf.

Richter savait qu’il pouvait parler avec franchise au médecin. Tous deux partageaient de sombres secrets.

– Ce salopard ne prend même plus la peine de maquiller ses crimes, marmonna-t-il d’un ton rageur. Maintenant, il zigouille tranquillement nos gens en toute impunité. Est-ce que vous avez ordonné que le cercueil reste fermé à l’église, Herr Doktor?

Klinke opina.

– Que pouvais-je faire d’autre? Je ne voulais pas courir le risque de provoquer une panique dans le village.

Il aurait été impossible de dissimuler le cou lacéré de la victime sous le col de sa chemise. La vue de cette plaie béante avait hanté Klinke ces derniers jours. Une atroce paire de lèvres qui lui avait jeté un sourire railleur durant tout le temps où il avait examiné le cadavre.

– C’est exactement ce que cherche le meurtrier, reprit le médecin. Il veut semer la peur parmi nous. Sinon, il ne s’amuserait pas à graver ces maudits signe sur la porte des maisons où vivaient ses proies.

Richter secoua la tête avec véhémence.

– Des gamineries. Ce sont sûrement de petits vauriens des environs qui ont fait ça.

Lorsque Klinke était allé présenter ses condoléances à la famille de la première victime, il avait remarqué un symbole gravé sur la porte de l’habitation. Comme le signe grossièrement sculpté n’avait aucun sens au premier regard, il n’y avait pas d’attention prêté.

La peur était venue plus tard, après le troisième meurtre. C’était à ce moment-là que le médecin avait compris. Traversant fébrilement le village, il avait observé que toutes les maisons des hommes assassinés étaient marquées d’une étrange figure.

– Je ne crois pas aux coïncidences, rétorqua-t-il. Le meurtrier sait exactement ce qui s’est passé ici. Il pense que nous sommes coupables. Et à présent, il nous élimine l’un après l’autre.

Ayant soudain du mal à respirer, Klinke desserra son nœud de cravate et ouvrit le premier bouton de sa chemise.

Richter grimaça.

– Mais que signifient ces satanés symboles? Pourquoi le salaud chercherait-il à se trahir? Pour nous pousser à alerter les flics?

– Il sait que nous n’irons pas voir la police.

Richter garda le silence. Puis il approuva lentement du chef.

Les deux hommes parcoururent le reste du chemin sans un mot. Klinke ne cessait de jeter des coups d’œil autour de lui. Mais il eut beau scruter le paysage, il ne vit aucune trace de son poursuite.

Richter tira sur les rênes en arrivant devant le domicile du médecin. Ce dernier descendant de la charrette et traversa son potager. Derrière lui, il entendit l’attelage se remettre en branle.

Au même moment, le soleil de midi perça les nuages. Légèrement ébloui, Klinke glissa la main dans la poche de son pantalon pour sortir son trousseau de clés. Lorsque ses yeux se sont habitués à la soudaine clarté, il s’immobilisa. Un symbole était gravé sur sa porte d’entrée.

S’arrachant à sa stupeur, il fit un pas en avant. C’était la même figure qu’il avait remarquée chez les quatre victimes.

Elle représentait un être humain. Cette fois, le tueur avait fait preuve de plus d’application, et Klinke s’aperçut qu’il avait voulu d’un homme porté d’une paire d’ailes.

Il frissonna. Ainsi, l’assassin voulait l’avertir. C’était la fin. Il avait trop longtemps bercé d’illusions.

Virevoltant sur lui-même, il s’élança dans la rue pour rattraper la carriole qui s’éloignait. Il agita furieusement les bras et poussa des cris.

Surpris, Richter se retourna. En voyant le médecin affolé, il arrêta son cheval.

Klinke le rejoignit et posa la main sur le flanc de la charrette.

– Il faut prévenir les habitants du village, glapit-il, hors d’haleine. C’est moi le prochain sur la liste! Nous devons partir d’ici. Sur-le-champ !
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Vous devez saisir une chose : dans les camps de concentration, les détenus étaient déshumanisés. On nous a pris notre identité, nos traits distinctifs. Il n'y avait pas de règles officielles, parce qu'en principe, tout était interdit.
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PROLOGUE

Weydorf,zone d'occupation soviétique.
Lundi 6 mai 1946.

Oswald Klinke se figea brusquement. Il croyait avoir entendu quelque chose Derrière lui. Un bruit qui n'avait rien à faire là où il se trouvait.
Nerveux ,il jeta un coup d'oeil alentour .Il semblait être seul au milieu du vaste champ d'orge .Un amoncellement de nuages menaçants avait masqué le soleil printanier.Le vent charriait l'odeur de l'orage naissant et faisait frémir les épis.Non loin de là se dressait un mannequin de paille,coiffé
d' un chapeau et vêtu de haillons flottants .Son visage sans yeux paraissait se moquer du promeneur inquiet. Mais ce n'était pas lui qui avait attiré l'attention de Klinke.D'ordinaire ,les épouvantails ne respiraient pas bruyamment. ( Page 7).
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L'objet était une preuve indubitable que Frau Dargel avait travaillé dans un camp de concentration.
Il s'agissait d'un porte-monnaie en cuir humain.
Sur la peau tanné, on pouvait voir un tatouage représentant des flammes dansantes.
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Supportaient-ils de regarder leur propre reflet dans une glace quand on leur arrachait des tripes l'ignoble caillot noirâtre qui n'était autre que leur âme ?
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Ce genre de nouvelles le remuait toujours autant. Quelques années plus tôt, il avait imaginé naïvement que les gens cesseraient de souffrir une fois que la guerre serait terminé. Malheureusement, la réalité était tout autre. Les Nazis avaient été vaincus, mais le nombre de personnes en détresse était loin d'avoir diminué. Pour beaucoup, la fin du conflit n'avait pas changé grand-chose. Les hivers étaient tout aussi durs qu'auparavant.
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L’homme donnait l’impression d’avoir vécu trop d’atrocités pour croire encore aux fables de Hitler sur l’amour de la patrie. La guerre lui avait appris que seule la survie comptait.
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