Le temps, il faut me l'avouer, me parut long. Je n'ai jamais aimé la demeure, fût ce au sein des délices, et ne songe qu'à passer outre dès que ternit la nouveauté
Il m'enseigna que l'on n'obtient rien de grand ni de valable, ni de durable, sans effort.
Le plus sage est d'admettre ce que l'on ne peut pas empêcher.
O jardins en extase, suspendus dans l'attente d'on ne savait quoi, sous la lune ! C'était au mois de mars ; avec une tiédeur délicieuse palpitait déjà le printemps.
Aussi bien, ce que je ne puis pardonner à Phèdre, ce n'est point cette passion, après tout assez naturelle encore qu'incestueuse à demi, mais c'est d'avoir, comprenant qu'elle ne la pourrait assouvir, accusé calomnieusement mon Hippolyte, lui imputant cette impure flamme qui la consumait. Père aveugle, mari trop confiant, je la crus. Pour une fois que je m'en remettais à la protestation d'une femme ! C'est sur mon fils innocent que j'appelai la vengeance du dieu. Et ma prière fut écoutée. Les hommes, lorsqu'ils s'adressent aux dieux, ne savent pas que c'est pour leur malheur, le plus souvent, que les dieux les exaucent.
On ne lutte jamais mieux qu'avec le renfort de la haine.
C’était quelqu'un de très bien, Égée, mon père ; de tout à fait comme il fallait. En vérité, je soupçonne que je ne suis que son fils putatif. On me l'a dit, et que le grand Poséidon m'engendra. Dans ce cas c'est de ce dieu que je tiens mon humeur volage. En fait de femmes, je n'ai jamais su me fixer. Égée parfois m'empêchait un peu. Mais je lui sais gré de sa tutelle et d'avoir, dans l'Attique, remis le culte d'Aphrodite en honneur. J'ai regret d'avoir causé sa mort par un fatal oubli : celui de remplacer par des voiles blanches les voiles noires du bateau qui me ramenait de Crète, ainsi qu'il était convenu si je revenais victorieux de mon entreprise hasardeuse. On ne saurait penser à tout. Mais à vrai dire et si je m'interroge, ce que je ne fais jamais volontiers, je ne puis jurer que ce fût vraiment un oubli.
Mais je pense que quelque tare originelle atteint ensemble toute l'humanité, de sorte que même les meilleurs sont tarés, voués au mal, à la perdition, et que l'homme ne saurait s'en tirer sans je ne sais quel divin secours qui le lave de cette souillure première et l'amnistie.
En face de moi, sur un parterre fleuri de renoncules, d'adonides, de tulipes, de jonquilles et d'œillets, en une pose nonchalante, je vis le Minotaure couché. Par chance, il dormait, j'aurais dû me hâter et profiter de son sommeil, mais ceci m'arrêtait et retenait mon bras : le monstre était beau. Comme il advient pour les centaures, une harmonie certaine conjuguait en lui l'homme et la bête. De plus, il était jeune, et sa jeunesse ajoutait je ne sais quelle charmante grâce à sa beauté ; armes, contre moi, plus fortes que la force et devant lesquelles je devais faire appel à tout ce dont je pouvais disposer d'énergie. Car on ne lutte jamais mieux qu'avec le renfort de la haine ; et je ne pouvais le haïr.