Eh bien, s'il dit vrai, les gens qui n'ont pas été aimés comme il faut - généreusement, totalement - sont souvent plus gentils que les autres. Pour quelle raison ? Parce que la privation crée l'envie, et que de l'envie naît la compréhension...
On laisse entrer la violence, on lui ouvre la porte, c'est la vie qui va son chemin, au hasard, laide et égoïste, c'est la vie qui utilise les autres et est utilisée à son tour. Ça ne s'explique pas. Peu importe ce que les gens pensent. Rien de ce qui arrive n'a de sens, sauf l'incroyable l'impression de vitesse qu'on en retire. Grisante.
Ou peut-être était-ce le destin qui attendait tous les êtres humains qui la démoralisait. Des vers, de la terre et des crânes ricanants. Qu'on soit bon ou mauvais, quelle différence ?
Sauf peut-être si la terre murmurait l'histoire de ceux qu'elle renfermait aux passants, leur permettant de tirer des leçons de ce qu'ils entendaient.
Sauf si quelque chose de bon pouvait être transmis aux jeunes générations et ainsi être sauvé de l'oubli. Certaines personnes disaient que leurs parents leur avaient donné tant d'amour, un amour qui les emplissait si bien, qu'il leur en restait beaucoup à donner. Ces gens-là savaient ce qui comptait vraiment. Ils reconnaissaient les autres comme des êtres distincts, à part entière, qui méritaient le respect. Leur parfaite compréhension de qui ils étaient leur permettait de regarder à l'extérieur, vers ceux qui les entouraient, et de voir au-delà d'eux-mêmes. Ils ne se racontaient pas d'histoires non plus.
Les puissances qui régissent nos vies, si elles existent, étaient d'humeur à déraciner les individus, à les jeter hors de chez eux, à les pousser à aller dormir ailleurs, à les contraindre à réinventer de nouveaux endroits où vivre.
Elle a toujours su que cela se terminerait ainsi, presque depuis le début. Non, avant même le début. Lors d'un autre commencement, à l'ébauche d'une pensée.
Un officier de police reçoit pas de plus grand honneur et n'est jamais investi d'une mission plus solennelle qu'en se voyant confier une enquête entourant la mort d'un être humain.
- Cette citation-là, je l'ai lue quelque part et je l'ai apprise par cœur comme un bon élève, lui avait-il dit.
C'était à n'en pas croire ses yeux. A cinquante mètres, le voisin qui vivait en face de chez Marina lavait sa voiture dans l'allée. Il lavait sa voiture à 5 heures du matin ! Un dingue.
Ca y est. Voilà comment elle va finir. Dans une chambre sale avec un lit sans draps et une fenêtre bouchée par du contre-plaqué. La chaleur et l'obscurité la soulagent presque, ont sur elle un effet anesthésiant. Elle abandonne, elle re résigne. Ce n'est pas si terrible de dire au revoir, de lâcher le besoin de lutter, d'accepter la suite. Le sommeil est d'autant plus agréable lorsqu'on y plonge malgré soi. Elle a un étourdissement. la porte se ferme et elle ne voit quasiment plus rien, à peine une faible ligne de jour qui dessine le pourtour rectangulaire de la fenêtre.
Au début, elle ne pense plus que par images simples, isolées : je suis attachée. L'un s'appelle Vol, l'autre Joe. Je vais trouver un moyen de me sauver. Mes mains et mes pieds sont en train d'enfler, j'ai mal à la bouche. Je vais m'en sortir. Le bébé pleure encore. Le bébé va mourir. Il n'y a quel moi qui puisse le sauver.