Mais, à mesure que l'âge vient, le train des jours se précipite et chacun d'eux, de leurre en leurre, nous emporte dans un songe agité d'où l'on se réveille, un matin, lucide enfin mais septuagénaire.
Au lieu de suivre le bord de la Loire, j’avais marché à l’opposé du fleuve vers une pinède ou je savais trouver le silence grave, la lumière doucement amortie qui me mettrait quelque apaisement au cœur.
La mousse feutrait le sable du chemin que je suivais. De part et d’autre la foule des pins sylvestres espaçait ses hautes colonnades d’un rose ardent peu à peu mauvissant sur les profondeurs bleues du sous-bois.
Le silence même et sérénité. L’essor brusque d’un ramier dans les cimes, le déboulé d’un garenne or d’un roncier, le saut rebondissant d’un écureuil dans la perspective de l’allée s’intégrait parfaitement à se silence et à sa paix.
Il y a ainsi des moments qui marquent la trame de nos jours d'un signet ineffaçable, d'ailleurs inexplicablement.
Ces Américains… Je citerai sans doute encore : avec Whitman, Thoreau, Emerson… Ces vieux sonneurs d'alerte, ils nous ont devancés sur les voies d'une prise de conscience, d'un retour vers une sagesse à visage d'homme. C'est que leurs concitoyens avaient attrapé la vérole avant nous. N'est ce pas Emerson qui a dit, sauf erreur : "Nous savons beaucoup plus que nous n'assimilons ?"
- Dieu sait ! J'ai connu une Loire poissonneuse.
- Si le coeur vous en dit jamais. Ici, c'est libre. Encore libre, mais pour combien de temps ?
Voyez-vous, une longue vie toute entière, est-ce suffisant pour devenir un homme ?
L'essentiel est de simplifier, on s'en aperçoit avec l'âge.
L'essentiel est de simplifier, on s'en aperçoit avec l'âge.
Je devrais, tout au long de ces pages, n'être rien d'autre qu'un porte-parole, le témoin qui transmet un message par lui reçu. Mais le souci d'être fidèle va m'entraîner un peu au-delà.
J’y ai pensé, je crois, dès le soir de septembre où vous vous êtes perdu ici. Un désir vague, une espèce d’appétit, à peine conscient d’abord, qui peu à peu… Je vous ai parlé de vos livres, il le fallait. Oui, bien sûr, je les aime ; mais j’en ai aimé d’autres, j’ai beaucoup lu, énormément, depuis que je vis aux Vieux-Gués. Avec les vôtres, il s’agit d’autre chose : une connivence, une harmonie préétablie, ne souriez pas, prédestinée, l’impression absurde et pourtant insistante, indiscutable que je les aurais… que je les avais écrits.