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L'apprentie" est une large fresque théâtrale où s'entremêlent plusieurs épisodes tragiques de notre Histoire avec celle, plus triste encore, de la famille Pommier de Ménilmontant.
C'est un drame historique en quatre actes et dix tableaux.
Il fut représenté pour la première fois, en janvier 1908, au second Théâtre national de l'Odéon.
Son auteur,
Gustave Geffroy, breton d'origine mais
parisien de naissance, se souvient, à 15 ans, d'avoir lu Lamartine,
Victor Hugo et les premiers romans
De Balzac, en entendant sans cesse au loin, de Ménilmontant, le bruit du canon.
Les scènes de ce drame sont d'une vérité, d'un réalisme troublant.
Le rideau se lève, une première fois, sur les remparts de
Paris pendant le siège de 1870, en décembre.
Il a neigé, il neige encore par moments.
Des gardes lisent le journal, causent et fument autour d'un brasero.
Le père Pommier est de faction. Il a ses deux fils, avec lui, Justin et Jean.
Ces quelques êtres forment une petite famille, le père est un vieux qui a vu 48, la mère, une provinciale devenue "faubourienne, les fils, Jean et Justin sont venus de bonne heure, portés par les événements, à la politique et les deux fillettes, Cécile et Céline, sont les témoins du drame dont elles porteront, sur leurs frêles épaules, tout le poids de ses terribles conséquences.
L'ombre de la faim se profile à l'horizon de ce siège qui dure depuis trois mois déjà.
Le dernier éléphant du jardin d'acclimatation a été vendu vingt francs la livre.
Et sa trompe trente francs !
On parlait, ce matin, de quelqu'un qui est mort d'avoir mangé un chien enragé...
Lorsque le rideau, une fois de plus, se relève, la capitulation est affichée dans les rue de
Paris qu'on s'apprête à livrer aux prussiens !
La révolte gronde pour la république, pour la patrie...la patrie, c'est du pain pour tout le monde, c'est la justice de demain. Ça vaut la peine de risquer sa peau !
Mais la Commune, qui voulait venger le siège, est vaincue.
On fusille rue Axo.
Le baroud d'honneur sera livré au "Père Lachaise".
La mère Pommier, au risque de perdre sa vie, y recherche son fils Jean dans les allées entre le tombeau de Morny et le buste
De Balzac.
La répression va broyer cette famille. Au troisième acte, dix ans ont passé.
Le père Pommier a bien changé. Il a repris son métier de peintre en bâtiment mais frappé par la mort de ses deux fils, il a pris de mauvaises habitudes : il boit.
Il a fallu déménager pour prendre un logement moins cher.
Cécile est une fille sérieuse et travailleuse mais Céline est légère et coquette.
Pourtant, les "communards", amnistiés, sont de retour....
Cette tragédie populaire, écrite sobrement dans une langue fine et élégante, est une oeuvre, nourrie d'émotion, qui est sévère sans être outrancièrement dure et qui se révèle tendre sans être jamais larmoyante.
C'est, au final, une belle pièce, un superbe morceau de scène que le Théâtre National peut s'honorer de posséder à son répertoire.