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sur 1690 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Pas très obéissant le toutou du futur.
Laurent Gaudé transforme en or littéraire tout ce qu'il touche et la dystopie n'échappe à son alchimie. C'est quoi comme maladie, la dystopie ? Il s'agit d'un pessimisme pathologique qui augure du pire pour aspirer au meilleur. Nos oracles n'ont pas le moral et anticipent les emmerdements.
Chien 51, c'est Zem Sparak, un policier grec qui n'est pas au meilleur de sa forme. Son pays a fait faillite. Encore.... Oui. La dette de la Grèce est antique mais, ce coup-ci, accuser l'Europe de ses propres turpitudes et demander aux habitants de payer leurs impôts n'a pas été suffisant.
Le climat n'a pas aidé. Avec les pluies acides et des chaleurs de rôtissoires dominicales avec un soleil qui chauffe plus que celui des Scorta, le touriste a eu moins envie d'aller danser le Sirtaki à Mykonos avec sa chemise ouverte en lin, un verre d'ouzo à la main.
La Goldtex, multinationale gloutonne, sauvage comme une Amazone, a racheté le pays, privatisé les Hellènes, garçons et filles compris. Il ne faut plus parler de citoyens mais de Cilariés. Tout un programme.
Zem Sparak, dans sa jeunesse étudiante et révoltée, avait essayé de résister mais une répression sanglante avait anéanti le mouvement de protestation.
Depuis, la population est répartie dans les 3 zones d'une mégalopole baptisée Magnapole.
Dans la première zone, une classe de privilégiés et de dominants, dans la seconde, la classe moyenne qui trime et qui consomme, et dans la troisième, c'est le remake de New York 1997 de John Carpenter avec sa cohorte de miséreux et sa violence. Zem Sparak officie dans ce no man's land. Une loterie permet à certains chanceux de gagner le droit de changer de zone. Cela s'appelle entretenir le désespoir. Les checkpoints entre chaque zone sont plus hermétiques que les frontières de la Corée du Nord. Ce n'est pas la douane qui chasse la bouteille de Pastis et les cartouches de clopes à la sortie de l'Andorre.
La découverte d'un corps dépecé va troubler l'équilibre des forces et Chien 51 va devoir collaborer avec une inspectrice ambitieuse de la zone 2, parfaitement intégrée à cette société privatisée.
L'auteur nous projette dans un futur pas si lointain et à priori, faire pipi sous la douche, interdire les barbecues et baisser d'un degré la température du jacuzzi n'a donc pas suffi à sauver la planète.
Si le roman reprend les recettes du héros fatigué, revenu de tout pour aller nulle part, le récit de Laurent Gaudé transcende le genre et je me suis laissé entièrement absorbé par ce polar de SF qui aborde les crises sociales, migratoires, économiques et écologiques de l'époque sans tomber dans le pamphlet caricatural. L'intrigue est une réussite, certaines idées sont vraiment originales comme le Loveday ou celle du dôme climatique et le dénouement peu prévisible. Cette escapade dans le lendemain n'a pas raturé le style très fluide du Goncourisé. Un auteur américain en aurait fait 300 pages de plus mais Laurent Gaudé sait aller à l'essentiel.
Pour un tel coup de coeur, il est difficile de trouver quelque chose à redire mais si je cherche la petite bête, je dirai que le personnage féminin manque un peu d'épaisseur par rapport à Zem Sparak et que l'auteur fait un peu trop l'impasse sur de potentielles évolutions technologiques et leurs conséquences. Je ne m'attendais pas à un remake de Star Trek ou à des combats au sabre laser, mais il est difficile d'imaginer un tel statu quo en la matière.
Dans cette rentrée littéraire, jusqu'à présent, je n'ai pas trouvé mieux mais je ne sais pas ce que me réserve le futur.



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Chien 51 est une troublante dystopie, un fabuleux polar d'anticipation dans lequel Laurent Gaudé scrute le présent, ses maux et ses dérives.
Lorsque les dirigeants de GoldTex ont annoncé le rachat de la Grèce après sa faillite, tous ses habitants après s'être insurgés vainement ont tenté de fuir sachant que leur pays allait être démembré, que leur terre deviendrait une terre d'esclaves.
Zem Sparak, combattant pour la liberté, arrêté, a trahi ses camarades d'armes et a fui ayant reçu un ordre d'évacuation personnel.
Expatrié, il est cilarié, (citoyen réduit à sa fonction de salarié) et n'est qu'un vulgaire « chien », c'est-à-dire un policier déclassé à Magnapole, une immense mégalopole. Celle-ci est divisée en trois zones avec des check-points pour passer de l'une à l'autre. Lui, opère en zone 3, zone qu'il a choisie après les Grandes Émeutes et où il arpente la crasse des bas-fonds depuis des années.
Il vit dans la culpabilité et la nostalgie d'un monde qu'il ne reverra plus, son pays ayant été rendu volontairement inhabitable, il sait qu'il ne sera plus jamais grec.
Son seul réconfort, il le puise dans une salle sombre d'une boîte de nuit du quartier RedQ, où il passe la plupart de ses nuits. Là, il peut retrouver l'Athènes de sa jeunesse, grâce aux visions que lui procure la technologie Okios, aussi addictive que l'opium.
Un cadavre éventré et la rencontre avec Salia Malberg, ambitieuse inspectrice de la zone 2, avec qui il a été verrouillé, c'est-à-dire avec qui il a obligation de mener l'enquête vont rompre son renoncement, faire ressurgir le passé et ébranler son fragile équilibre.
Chien 51 est un roman noir, inquiétant, à l'atmosphère singulière qui décrit un futur imaginaire pas si loin de notre présent. Comment, en effet, ne pas voir dans son récit, déjà beaucoup de choses qui font hélas, partie de notre monde, à un degré certes un peu moindre.
On y évolue dans une société ultralibérale, dans un monde effarant où de grandes sociétés se battent pour racheter des pays endettés pour organiser ensuite la vie comme elles le souhaitent. Un monde dans lequel l'injustice sociale est à son paroxysme, où règnent le cynisme et la violence. Un monde hyperconnecté, déshumanisé.
Le dérèglement climatique avec ses pluies acides, ses phénomènes imprévisibles et désastreux y fait des ravages sauf pour les privilégiés qui bénéficient au-dessus de leur zone d'un dôme de protection contre ces aléas climatiques.

Chien 51 aborde également un thème essentiel qu'est celui de la mémoire. le réalisme avec lequel Laurent Gaudé peint ce sombre futur nous ramène effectivement au présent.
Chien 51, ce roman d'anticipation très psychologique conjugué à une intrigue policière savamment menée a réussi à m'emporter et à me tenir en haleine du début à la fin.
Un roman sombre, très sombre, certes, mais fascinant, où une note de poésie de toute beauté vient réchauffer le coeur avec cet homme qui ne quitte pas la Grèce mais part à Delphes.
Bien qu'effrayée par cette société inégalitaire dans laquelle l'indifférence est de mise, je me suis attachée à ce personnage de Zem, souffrant avec lui lorsqu'il revit les tourments de son passé. J'ai été conquise par cet aller-retour entre passé et présent de ce roman très psychologique servi par une magnifique écriture fluide et précise.

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La Grèce n'est plus ce qu'elle était. En faillite, rachetée par la multinationale GoldTex, elle a connu l'oppression, les révoltes, l'exode. Ces habitants sont aujourd'hui parqués dans 3 zones. La zone 1 accueille les hommes puissants, la 2 les hommes les plus utiles et les privilégiés, toutes deux à l'abri sous un dôme de protection. Enfin, la zone 3 recueille les miséreux et les rebuts, que les pluies acides et les tempêtes ne ménagent pas. Zem Sparak, qui figurait dans les rangs de la révolte pendant les Grandes Émeutes, est devenu policier, un chien comme on les appelle au dépôt, et fouille, depuis maintenant 20 ans pour le compte des autorités, les rues de la zone 3. Aux Décharges Citoyennes, au sud-est de Magnapole, un corps vient d'être retrouvé par Bareïm, un siffleur. Si ce n'est évidemment pas son premier cadavre, Zem se fait la promesse de retrouver le coupable. À cause du programme de jumelage des polices, il sera sous les ordres de Salia Malberg, issue de la zone 2. D'ailleurs, étonnamment, c'est de là que vient l'homme retrouvé, le corps ouvert comme un poisson...

« Chien » dans la zone 3, Zem Sparak, de par son enquête sur un sordide meurtre, va être confronté à de terribles révélations et découvertes qui vont aussi bien le perturber que l'aider à reconsidérer le monde dans lequel il vit. Lui, le nostalgique d'un pays disparu, aujourd'hui devenu invivable, qu'il aime à retrouver grâce à l'Okios. Lui qui va voir resurgir un pan de son passé. Lui qui, grâce à Salia, avec qui il a été verrouillé, va entrevoir une lueur d'humanité. Pour son dernier roman, Laurent Gaudé change de registre et nous offre une dystopie d'une noirceur absolue, certes, mais troublante tant elle dépeint les déboires, les perversions et les maux du présent (dérèglement climatique, échelles sociales, totalitarisme, hyper connectivité...). Si l'atmosphère est plombante et teintée de nostalgie, l'on y plonge, paradoxalement, avec délectation tant les mots de l'auteur nous happent, tant les personnages, cabossés, sont attachants et convaincants, et tant l'auteur mélange habilement les genres.
Un roman saisissant, ambitieux et terriblement prenant.
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Il y a des écrivains qui exploitent un filon généreux et sécurisant en travaillant toujours autour des mêmes thématiques , dans le même style littéraire .
Et puis, il y a ceux , plus rares, comme Laurent Gaudé qui sont protéiformes . Et qui font mouche à quasi chaque coup.

Ici , GoldTex a une spécialité , racheter les pays en cessation de paiement. Et cela commence par la Grèce. Spartak , comme tant d'autres est obligé de quitter son pays.
On le retrouve 20 ans plus tard à Magnapole, cité futuriste , qui ne s'embarrasse plus des convenances et sépare ses habitants en plusieurs zones . Les plus nantis sont sous un dôme et n'ont plus à faire face aux pluies acides qui déchiquètent la population en moins de deux. Pour autant, suite à une meurtre, lui le flic , ici nommé Chien, de la zone 3 va être amené à collaborer avec un officier de la zone 2, la zone des nantis.

Le talent s'exporte dans tous les genres et Laurent Gaudé est un maitre du récit en plus d'écrire divinement bien.
Alors certes , on n'est pas sur la qualité littéraire d'un Ecoutez nos défaites mais l'histoire et le monde conçus par l'auteur sont saisissants et, au delà de nous effrayer, semblent proches d'un futur possible.
Je ne vais pas dévoiler ce monde , ni la nostalgie de l'ancien qui affleure le texte, mais la manipulation, l'arrivisme, l'art de magouiller pour arriver à ses fins y sont maitres. le climat est ce qu'il sera dans 10 ou 20 ans dans notre monde . On ajoute une intrigue policière qui aurait pu à elle seule faire un livre et l'on se dit qu'attendre le prochain Gaudé, c'est déjà mettre un peu de lumière dans notre monde de lecteurs .
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Dans le monde de demain, où les intempéries détruisent tout, où les pays font faillite les uns après les autres et sont rachetés pour une bouchée de pain, la population mondiale a dû fuir pour rejoindre ce qui semblait être le seul endroit habitable: la mégalopole dirigée par GoldTex. Une nouvelle société s'est organisée, divisée en trois zones: la première, celle des puissants, des dirigeants, la seconde, celle des “utiles” à la société, ceux qui ont fait des études, ont des qualifications et enfin, la troisième, celle de la main d'oeuvre servile, qui a permis de construire le dôme de protection au dessus des deux premières zones, celle des miséreux et des crève-la-dalle.

Zem Sparak évolue dans cette dernière zone où il est “chien”, c'est-à-dire flic au service de la sécurité, chargé de maintenir l'ordre dans cette partie instable de la population. Hanté par son passé, une sombre affaire va venir faire éclater le fragile équilibre qui menace la zone 3…

Pffiouuuuu, voilà encore un excellent roman de Laurent Gaudé qui, s'il ne révolutionne pas le genre de la Science-Fiction, nous plonge néanmoins dans une histoire palpitante, sur fond d'injustice sociale, de révolte et de répression dans laquelle on retrouve l'éternel combat, bien souvent vain, des miséreux face aux puissants du monde…

La narration alterne entre le passé sombre de Zem, au moment du rachat de la Grèce et des émeutes, et le présent, où un cadavre étrangement mutilé est retrouvé dans la zone 3… le rythme est haletant, les personnages sont meurtris et bancals, ce qui les rend d'autant plus réalistes et attachants, l'écriture, quant à elle, est toujours aussi travaillée et entraînante et la description de ce monde ultra-connecté, individualiste et dans le contrôle de sa population mais qui pourrait bien être le nôtre si l'on n'y prend pas garde, a de quoi donner des frissons dans le dos! Bref, j'ai adoré!
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Que peut bien donner la rencontre d'un lecteur assidu d'anticipation et d'un auteur reconnu qui s'essaye pour la première fois au genre ? Ce n'était peut-être pas gagné sur le papier, mais avec un talent tel que celui de Laurent Gaudé, ce contact fait des étincelles.

L'écrivain, lauréat du prix Goncourt en 2004 pour le Soleil des Scorta, est un vrai touche-à-tout, qui n'hésite pas à se frotter à différents univers, en faisant preuve d'une formidable ouverture d'esprit.

Car, en France il faut oser inviter l'imaginaire dans la littérature dite générale. Quand c'est fait avec habileté et sans tricher, le résultat peut être mémorable (rappelons-nous le récent Goncourt pour L'anomalie de Hervé le Tellier).

Dans un avenir proche, les états sont à vendre. En pleine faillite, la Grèce est la première à tomber dans les escarcelles d'une multinationale, GoldTex, et au diable l'insurrection qui en découle.

Trois décennies plus tard, Zem Sparak, qui a eu la « chance » de fuir son pays, est un flic de 3ème zone, dans une mégalopole créée de toutes pièces par cette entreprise tentaculaire. Relégué aux basses oeuvres, tel un chien qui ne fait que renifler les pistes des bas-fonds de la zone 3.

Le voilà devoir pourtant investiguer sous autorité. En se frottant à Salia, flic de la zone 2, qui, elle, n'a jamais rien connu d'autre que cette vie-là, et fait partie des privilégiés par rapport aux laissés-pour-compte de la zone de Zem Sparak.

Chien 51 est avant tout un polar engagé, et une vraie enquête qui se déroule dans un avenir peu reluisant mais sacrément crédible. Est-ce-que ce monde est sérieux ? Oui clairement.

L'idée de fusionner polar et anticipation est brillante. Gaudé ne révolutionne rien mais fait preuve d'une maîtrise épatante. A la fois pour inventer un monde, donner du rythme à son intrigue et du corps à ses personnages.

Des personnages forts, jouant avec les caricatures du genre sans jamais y tomber ; un flic éreinté et cabossé, une jeune femme ambitieuse et qui se bat dans un monde d'hommes.

L'écrivain a bien réfléchi son environnement, qui tient la route et se montre suffisamment détaillé, sans trop en rajouter, pour qu'on y plonge. L'ambiance fonctionne, du microcosme à la mégalopole. Pour porter un propos cohérent et prenant, qui exacerbe nos inquiétudes actuelles et qui questionne.

L'écriture est puissante et évocatrice, dans l'action comme lors de tirades d'une grande justesse.

Que ce soit concernant cette privatisation à marche forcée, ou quand d'autres thèmes sont approchés, questions climatiques comme question de Mémoire. Celle d'un passé trahi, d'un monde perdu. Ce dernier point devient vite prégnant, avec une approche nostalgique du récit.

Mais l'auteur ne sacrifie jamais l'histoire au propos et reste toujours au plus près de ses protagonistes. Avec l'âme de Zem Sparak qui s'agrippe à ses racines.

C'est une belle réussite quand la SF est ainsi utilisée comme vecteur pour parler de vraies préoccupations, tout en n'oubliant jamais l'intrigue en route. Et en laissant parler la puissance de l'imagination.

Laurent Gaudé est un auteur étonnant, parfaitement à l'aise quel que soit le genre de récit. Chien 51 est une belle réussite, prenante et interpellante. Bien loin d'un exercice de style, c'est au contraire une belle définition de ce qu'est un bon roman d'anticipation.
Lien : https://gruznamur.com/2022/0..
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Je n'avais pas prévu de faire un billet sur le dernier Gaudé et puis j'ai lu un certain nombre d'avis parmi les 128 déjà faits sur Babel. Avis que je partage pour la plupart sauf que…
Sauf que là où tout le monde parle de dystopie, de science fiction, d'anticipation, je ne vois malheureusement rien de tout ça. Au contraire, j'y vois une critique acerbe de notre société à travers une caricature qui appuie là où ça fait mal.
« Chien 51 » ce n'est pas demain, nous sommes en plein dedans.

Des états en faillite (dans le bouquin) ou pas, à la botte de multinationales (informatiques ou pharmaceutiques par exemple, pas dans le bouquin). Quelques parasites à la tête de ces machines de guerre qui achètent, corrompent, manipulent et détruisent tout ce qui peut freiner leur soif de toujours plus.
Les mêmes sangsues qui montent les gens les uns contre les autres et réinventent jour après jour, inégalité après inégalité, une lutte des classes dépassée.
Toujours les mêmes qui jonglent entre répression de plus en plus violente et stigmatisation de toute voix qui s'oppose à la pensée unique, les mêmes qui endorment le monde en se présentant comme bienfaiteurs de l'humanité et qui sous couvert de progrès vous fichent, vous surveillent, vous suivent à la trace et finissent par vous faire aller là où ils veulent que vous alliez.
Les mêmes qui entretiennent la misère parce que c'est bien pratique pour tenir les gens en créant des peurs. Ca créé des migrants, des envahisseurs quoi. Des envahisseurs qui font peur aux potentiels envahis.
Peur de ci, peur de ça, peur sur la ville, peur sur la vie.
Les mêmes qui créent des pass pour ci ou pour ça, pour le moindre déplacement.
Dystopie me dites vous ? Alors nous ne vivons pas dans le même monde.

« Chien 51 », c'est Zem, ancien Grec du temps où la Grèce était un pays avant qu'il ne soit racheté par Gold Tex. Aujourd'hui il est policier dans la zone 3 de la mégalopole Gold Tex, la zone des inutiles et autres rebus de la société. Sur fond de dérèglement climatique, une enquête sur deux meurtres le fera naviguer entre souvenirs d'un temps où l'illusion de liberté existait encore et un monde dans lequel il ne se sent pas à sa place.

Le sujet, ou plutôt les sujets abordés par Laurent Gaudé ne prêtent pas à une écriture poétique, Nous ne sommes pas dans « Salina ». Je n'ai pas retrouvé cette écriture que j'aime tant dans son oeuvre mais j'ai adoré le ton de ce toutou. C'est efficace comme « De sang et de lumière ».
Et puis il y a cet uppercut, cette grande claque dans la gueule de la société, une baffe d'une violence inouïe qui en l'espace de quatre pages (259 à 262) dit tout de la condition humaine…

J'aime Gaudé, enfin son oeuvre, ses colères et indignations, ses engagements réguliers pour SOS méditerranée (encore un petit rappel en faveur des migrants dans ce bouquin), son écriture sa poésie, bref, « Chien 51 », j'ai adoré.
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Audacieux polar politico-dystopique!

On est dans un futur plutôt merdique. Une ville partiellement sous dôme pour se protéger des écarts climatiques, des zones séparées par des check-points avec une ségrégation sociale rigide et une répression brutale.

C'est un monde où des nations en faillite ont été rachetées par des multinationales qui les ont plus ou moins vidées de leurs habitants. Parmi ceux-ci, le policier qui mène l'enquête. Il sait qu'il ne peut pas changer grand-chose de la marche du pays, mais il fait son possible pour rendre justice aux victimes de meurtre.

Une enquête donc, avec une collègue imposée par la hiérarchie, qui les mènera à travers des méandres politiques et des collusions douteuses.

Un coup de maître que cette incursion dans un genre littéraire inhabituel pour l'auteur. J'adore la plume inventive de Laurent Gaudé!
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Afin d'évoquer notre présent, la littérature n'est rarement aussi bonne que quand elle joue à nous faire voyager dans le temps. Armé de sa plume aiguisée, engagée, Laurent Gaudé comme un miroir grossissant nous confronte dans cette dystopie aux failles de notre société, dominée par le capitalisme.
Il y a dix ans, l'état Grec fut déclaré en faillite. de cet événement historique, l'auteur nous trace un futur alternatif dans lequel, une société privée s'est emparée d'une nation, d'un peuple en acquérant la Grèce. Des lors, une succession de transactions ont privatisé de nombreux pays dont les habitants deviennent des Cilariés, citoyens salariés séparés en trois zones d'habitation limitant les contacts entre elles. Seulement la découverte d'un corps assassiné bientôt rejoint d'un second ébranlera le fragile équilibre de façade.
Si le scénario n'est pas des plus originaux pour les lecteurs de science-fiction, ce roman classé littérature blanche surprendra de nombreux lecteurs au premier rang desquels les lecteurs de Laurent Gaudé. le traitement de l'intrigue réalisé avec brio et la touche polar raviront les lecteurs de littérature de genre.



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J'avais un a priori concernant Laurent Gaudé, je le considérais comme un auteur prétentieux, son oeuvre protéiforme affichant l'étendue d'un registre impressionnant mais vain.
Comme souvent avec ce genre d'a priori, je me suis largement trompé.
Chien 51(rien à voir avec le pastis) est un roman magnifique.
Un grand lecteur m'a dit un jour : « Quand il n'y a pas de remerciements à la fin, c'est que c'est bon ». Et là, pour le coup ça se vérifie. C'est bon. Très bon même.
Alors c'est quoi cette histoire de Chien: une excellente dystopie ramassée sur 270 pages furieuses, palpitantes et poétiques. Tout est parfaitement ficelé, le passé athénien et le présent à Magnapole, la mégapole de Goldtex.
Nous sommes dans un monde d'ultra-privatisations où les pays (la Grèce…)sont rachetés par des firmes lorsqu'ils sont ré-endettés et cramés par les pluies acides. On les débite alors pour en faire de grands dépotoirs. On exile une partie des habitants que l'on trie en fonction des services rendus et de leur utilité pour la firme.
Magnapole est divisée en trois zones : la zone 1 réservée à l'élite et aux privilégiés, la zone 2 aux CSP+, le reste en zone 3 où ça craint vraiment. Un dôme climatique protège les zones 1 et 2 de terribles tempêtes.
Zem Sparak (flic taciturne de la zone 3, hellène révolté puis soumis) et Salia Malberg (brillante policière de la zone 2, aussi à l'aise dans son corps que dans sa fonction ) vont être «verrouillés » pour mener l'enquête de leur vie.
Mais trêve de persiflage, pour une vraie belle critique je vous renvoie à Chrystèle@HordeDuContrevent qui dit tout cela bien mieux que moi (ou Fanny, ou Sandrine bien sûr)
Je mets mon grain de sel égéen pour dire deux ou trois bricoles et achever de vous convaincre :
-La création d'un LOveday est la chose la meilleure qui puisse nous arriver si tout se passe comme dans le livre ( ce qui est probable)
-La « bastonnade » est la version futuriste de l'électrochoc. En pire. C'est la punition réservée aux rebelles et aux méchants. On pulvérise leur psychisme en le bombardant d'images ultra-violentes et pornographiques.
Jamais vu rien de pire. C'est pour demain les amis.
-Les dirigeants et les méchants du livre sont étonnants d'ambiguïté, de vacuité…On cherche un ou des coupables mais comme dans Z (Gavras) ou le Château (Kafka) on se heurte à un système.Ça C'est pour après demain.
-Mais quoi faire alors ? Prenez avec moi un peu de poésie :

« Et puis, il y eut ce matin, au kiosque devant le musée archéologique. Il s'était levé tôt et buvait un café dans la douceur de l'air frais à la terrasse de chez Yagournis. Il n'y avait qu'un seul autre client.
Un petit homme à la barbe et aux cheveux blancs, trapu, portant un vieux pantalon à la toile épaisse, bleue comme celle des pêcheurs. Il l'entendit dire adieu au patron et lorsqu'il passa, Zem lui demanda s'il quittait la Grèce.
"Non, répondit-il, je pars à Delphes." La répartition territoriale avait déjà été décidée.
On savait que la région de Delphes, comme toute la Grèce centrale et la Thessalie, avait été vendue à une firme de sous-traitance. Il n'y aurait plus rien là-bas. Plus aucune vie. Les populations devaient quitter la zone. Delphes ? La surprise de Zem arrêta le vieil homme. Il parla, alors, dans cette aurore silencieuse avec une voix douce qui n'avait pas d'âge.
"Ma mère était de Delphes. Quand j'étais petit je retournais là-bas tous les étés. Je n'aimais pas y aller, trop loin de la mer. Un jour, mon grand-père a eu l'idée de me faire garder ses chèvres. Vous ne pouvez pas imaginer... Les heures que j'ai passées entre les temples, à suivre mes bêtes, les appeler, rester immobile parmi elles et sentir le vent monter de la vallée. D'année en année, je ne pouvais plus m'en passer. J'ai fait cela jusqu'à mes dix-huit ans. Et puis mon grand-père est mort. La propriété a été vendue. Les chèvres aussi, j'imagine. Mais aujourd'hui encore, après toutes ces années, si on me demandait ce que je suis, je répondrais sans hésiter : le gamin qui suivait son troupeau dans la montagne sacrée.
C'est puissant là-bas. On sent l'invisible qui nous embrasse. Vous croyez qu'ils peuvent acheter ça? Ou le détruire ? Vous croyez qu'on peut tuer le centre du monde et le coeur des mystères ? Les soirs d'été, lorsque le soleil décline doucement, c'est l'immortalité qui vous glisse sur la peau, là-bas. Aujourd'hui, je le sais , c'étaient les plus beaux moments de ma vie.
Alors, c'est là que je vais. Et tant pis s'il n'y a plus rien. Chacun a le droit de finir où il veut. Peut-être restera-t-il quelque chose pour me saluer ? le vent, un moins, me reconnaîtra. Il ne faut pas oublier Delphes. Ils pensent pouvoir acheter ce qu'ils veulent, our détruire, tout salir. Mais il faut bien qu'un
d'entre nous aille là-bas. Sinon, qui va prévenir Delphes de ce qui arrive au monde? C'est un honneur de veiller sur la beauté immobile, un honneur de se laisser traverser par le temps. Rien ne nous appartient . C'est cela, au fond, que je suis : le gardien de ce qui ne nous appartient pas. »

Voilà c'est cela, il nous reste
la poésie et un brin de littérature.
Il va falloir être courageux.
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