Quand on s'adresse à un récipiendaire du prix Nobel, on le vouvoie et on lui donne du Monsieur.
Donc, Monsieur
Garcia Marquez, nous emmène au temps de l'Inquisition quelque part en Amérique du Sud (ou bien est-ce simplement l'Espagne ?). J'avoue ne pas avoir bien cerné ni l'époque (XVème, XVIème siècle ?) ni les lieux. Peu importe. L'intérêt est ailleurs puisque de tels faits se sont produits dans tous les pays et à n'importe quelle époque.
Quand l'Homme ne sait pas, il invoque des esprits supérieurs pour lui donner les réponses qu'il cherche désespérément (sans se rendre compte que la question est plus importante que la réponse). Parfois, c'est Dieu (afin d'expliquer ce que la science ne pouvait pas élucider), d'autres fois le Diable (pour déterminer la cause de troubles intérieurs). Evidemment, Darwin et
Freud ont largement réduit leur champ d'action. Mais, à bien y regarder, avons-nous réussi à nous débarrasser de toutes ces vieilles croyances ancestrales ?
Sierva Maria, fille d'un marquis, est une petite fille de 12 ans qui a été mordue par un chien enragé. Sa cheville enfle, la blessure ne guérit pas. le marquis convoque un médecin un peu atypique pour l'époque, Abrenuncio : premier personnage qui illumine les pages du roman, après la fillette, personnage central.
Très vite, on s'aperçoit qu'elle passe le plus clair de son temps avec les esclaves dont elle parle les différentes langues africaines, qu'elle ment pour le plaisir de mentir, bref qu'elle est un peu « dérangée «. A cela, rien d'étonnant, sans être un champion de la psychanalyse : son père l'aime mais ne lui montre guère et sa mère la hait courtoisement. Là-dessus, petite explication du couple que forment ces aristocrates.
Convaincu que sa propre fille est possédée par le Diable, le marquis la fait interner dans un couvent où la mère supérieure la prend en grippe d'emblée. Un évêque ordonne à un prêtre exorciseur, Don Cayetano Delaura, d'enquêter sur le cas de la fillette : est-elle réellement possédée ?
Second personnage fort du roman. Cayetano va devoir se débattre face à une foule de sentiments divers comme chez
Bernanos. Je n'en dirai pas plus.
L'ensemble est captivant, mais peut-être aurait-on gagné en se focalisant sur les relations ambigües du prêtre et de la fillette, sous la forme de simples visites dans son cachot, par exemple. Cette lutte du bien contre le mal qui masque mal les accès de ces sentiments et émotions qui nous bouleversent sans que le Diable ne soit pour rien là dedans. La dernière page tournée, je persiste dans l'idée que la religion a fait beaucoup de mal à l'âme humaine, à commencer par la sexualité (honte & culpabilité) et toutes les manifestations de nos sensations mal gérées.