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Critique de Tricape


Demandez à un écrivain reconnu de rédiger un abécédaire tramé sur les écrits de Rimbaud et vous aurez une pseudo autobiographie, un regard sur son oeuvre et au-delà, sur le monde. Ce sont là autant de courtes rédactions imposées par l'ordre (ou désordre ?) alphabétique, donc arbitraire.
"Il (l'écrivain) recompose pour lui-même le vieil abécédaire, associant les lettres de l'alphabet aux éléments du monde. Il les dispose du même coup en un tableau qui ne révèle rien, il le sait, d'une vérité absente --sinon cette absence même de vérité qui est la seule forme du vrai-- mais où sa vie vient prendre en passant un semblant d'apparence."
La curiosité est un vilain défaut. Forest se souvient de son enfance et des "morales" affichées chaque jour sur le tableau noir. Il retourne la leçon et considère que sans curiosité il n'y aurait ni artistes ni poètes. Plus loin, il ajoute que l'enfance n'existe qu'en fonction du regret qu'elle inspire.
Pour ma part j'ai trouvé la plupart de ces réflexions difficiles à partager, en particulier du fait de l'hermétisme des formules de Rimbaud et malgré l'éclairage que porte sur elles Philippe Forest. J'ai cependant compris qu'en fait d'hermétisme et précisément à cause même de leur nature absconse, les formules du poète ouvrent la porte à toutes sortes d'interprétations.
On trouve dans ce recueil des phrases qui pourraient tout droit être sorties d'un pamphlétaire du XVIIIe siècle. Ainsi, par exemple, à propos des poètes que Philippe Forest oppose aux romanciers : "(...) je vois mal pourquoi j'irais me fâcher avec une corporation composée d'individus convaincus de la supériorité de leur sacerdoce, dont la susceptibilité égale la prétention et qui ont si bien réussi par eux-mêmes à décourager toute forme d'attention pour ce qu'ils font qu'il serait bien mérité mais peu charitable de les accabler davantage."
Plus loin, il s'en prend avec véhémence aux romanciers, notamment contemporains, qui "comble de la bouffonnerie sinistre" évoquent comme s'il étaient le leur le sort des sans-papiers, la souffrance, la pauvreté et l'humiliation alors qu'ils vivent confortablement à l'abri de tout cela et offrent au lecteur "le simulacre sans danger d'une expérience dont ils ne supporteraient pas la restitution vraie". Pour Forest, "un livre ne vaut que s'il est gagé sur l'expérience personnelle de l'auteur".
En cela, ce recueil rejoint tous les romans de Forest : il nous parle intimement de lui, donc de nous. "Je parle de mon enfance afin de dire la sienne (celle de sa fille unique, morte en bas âge). Et je sais bien que, sans doute, lorsque je crois dire la sienne, c'est de la mienne que je parle."
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